Au revoir Bombay, bonjour Davos.
PAR CHRISTIAN CAMPICHE
Mais qu’il est difficile de s’enthousiasmer devant ce passage de témoin! A la fête rafraîchissante et spontanée, au cri joyeux d’une population s’exprimant dans un espace accessible à tous, succède l’aridité d’un bunker, puissamment et coûteusement gardé par les forces de l’ordre.
Le navire altermondialiste, affirmait l’autre jour un sociologue dans nos colonnes, ignore de quoi demain sera fait. Mais au moins il sait une chose: le monde, tel que les maîtres de l’ultralibéralisme le conçoivent, va droit contre un mur.
On peut d’ailleurs se demander qui, des idéologues d’une économie fondée sur des principes écologiques et sociaux ou des séides de la marchandisation de l’homme soumis à la spéculation financière, est le moins réaliste dans le contexte actuel de destruction systématique de l’environnement et de perte des valeurs morales.
Davos, en effet, se targue de réunir les meilleurs économistes au monde. Mais cet aréopage prétentieux a-t-il su prévoir la déconfiture d’Enron, les krachs de Swissair et de Parmalat? Qu’a-t-il fait pour empêcher nos fonds de pension de sombrer dans la débâcle boursière?
Davos exhibe les sourires trop parfaits et les poignées de main des chefs d’Etat. Mais le forum aux mains du bon docteur Schwab n’a pas ramené la paix au Proche-Orient, il n’a pas pu empêcher les centaines de milliers de morts du conflit irako-iranien, les guerres du Caucase, de Yougoslavie ou du Congo, encore moins la disette dans de larges régions de la planète.
Contrairement au Forum économique mondial, le label marqué du sceau de Porto Alegre, n’a pas la prétention de gérer l’univers. Son but est d’amener la société civile à prendre son destin en main. A réfléchir aux moyens de sauver ce qui peut encore l’être, en utilisant – c’est essentiel – le dialogue démocratique et la transparence. Si un jour l’exclusion et la rétention d’informations devaient prendre le dessus, le forum social serait bien inspiré de se saborder car il ressemblerait alors trop à Davos.
En attendant, bonne causerie, les «maîtres du monde»!
Commentaire paru dans “La Liberté” du 22 janvier 2004