L’Echo de l’Ethique, un espace de dialogue pour donner du sens à la vie professionnelle

La vie professionnelle génère naturellement des dilemmes éthiques. S’ils restent refoulés, ils taraudent en profondeur et sapent le moral des personnes et institutions qu’ils peuvent conduire à la rupture. L’Echo de l’Ethique se veut un espace de dialogue où les problèmes éthiques liés à la vie professionnelle peuvent être articulés et débattus dans le respect strict de l’anonymat, pour le plus grand bien de tous.

Il y a quelques années, l’essai au titre provocateur L’Horreur économique faisait fureur. Viviane Forrester y dépeignait une économie mangeuse d’hommes et destructrice des moindres restes d’humanité. A l’époque, cette thèse, sans doute prise au second degré, avait été l’occasion de se faire peur, le temps d’un verre entre amis. Entre-temps, la saga des grands scandales économiques et financiers a secoué le monde. Cet étalage public a levé un coin de voile sur les tensions et les compromissions auxquelles le personnel des entreprises peut se trouver acculé, ou juste exposé.

Aujourd’hui, les sondages internes, les études et les nouvelles ponctuelles convergent pour indiquer que le degré des tensions humaines dans le monde de l’entreprise atteint des niveaux inégalés. Ces tensions sont très variées : surcharge de travail, interférences entre le temps professionnel et le temps privé, pression à la performance à tout prix, incertitudes liées à l’emploi, stress, mobbing, etc.

Fondation sans but lucratif basée à Genève, l’Observatoire de la Finance vient d’ouvrir un espace de dialogue pour appréhender ce mal-être diffus qui gangrène le cœur de l’économique. Sous le nom L’Echo de l’Ethique, cet espace veut justement faire « écho » – grâce à un dialogue doublement anonyme – aux interrogations et préoccupations éthiques qui surgissent dans le monde de l’économie et de l’entreprise. Par cette démarche de service totalement bénévole, il entend apporter, dans la mesure du possible, un complément de discernement et ainsi éclairer l’action de ceux qui sont pris dans la tourmente des dilemmes éthiques concrets. L’Echo de l’Ethique souhaite établir l’échange entre, d’un côté, ceux qui expérimentent directement dans leur vie du questionnement éthique à travers leurs activités économiques (employés, patrons, consommateurs, conseillers, juristes ou médecins) et, de l’autre, un groupe de personnes qui ont accepté de se mettre en situation pour aider à une lecture plus claire des dilemmes en présence.

Les entreprises n’offrent l’occasion qu’à titre exceptionnel à leurs collaborateurs d’aborder la dimension éthique ou morale de leur situation ou de leur activité. Quoi qu’on fasse, en entreprise, le débat sera toujours biaisé par des enjeux stratégiques, ou chargé de sous-entendus. Or, c’est uniquement en se basant sur des situations vécues au quotidien qu’il est possible de faire le point sur les tensions éthiques dans le monde de l’économie afin d’offrir aux personnes directement concernées par ces tensions, sinon une réponse, du moins, une validation grâce à la confrontation leur expérience avec le regard des autres.

Pour « remonter le moral », pour « souder l’équipe », pour « asseoir le sens des valeurs communes », pour « oser ensemble», les entreprises recourent à des consultants en matière de culture, de valeurs ou de responsabilité. Ces interventions prennent la forme de séances de sensibilisation, de thérapies de groupes ou individuelles, etc. Toutefois, dans leur immense majorité, elles s’arrêtent aux symptômes, faute de pouvoir atteindre les causes du malaise ou du mal-être. En effet, les questions éthiques dans les entreprises sont souvent – par précaution – soit confiées à des conseils, comités et autres « boards » qui délibèrent à huis clos, soit relèvent exclusivement d’un effort de communication à usage externe.

En conclusion, la discussion éthique reste trop souvent taboue à l’intérieur des entreprises, alors que peu nombreux sont les interlocuteurs externes qui peuvent comprendre les situations rapportées et donner aux personnes des avis un tant soit peu pertinents. En effet, le questionnement éthique ne relève directement ni du psychologue, ni du médecin, ni du clergé. A cela s’ajoute l’appréhension d’aborder certains sujets de peur d’être psychiatrisé, jugé, ou dénoncé à la direction par un collègue malveillant.

Le groupe de travail qui a accepté de donner vie à l’Echo de l’Ethique est composé de personnes venant d’horizons très divers, tant professionnels que culturels ou spirituels. Elles sont disposées à réfléchir, raisonner et discuter pour tenter d’éclairer les dilemmes, les doutes éthiques et les situations dont le groupe de travail sera saisi. Elles ont en commun la conviction que l’éthique n’est pas qu’une question personnelle, et qu’elle ne doit pas être refoulée exclusivement dans la sphère privée. L’éthique doit retrouver la place qui est la sienne, celle de l’instrument de discernement qui structure les décisions et les actions professionnelles. A force de refouler le dilemme éthique, faute d’avoir pu l’exprimer, l’articuler, voire l’appréhender, des personnes ou organisations risquent la rupture avec son cortège de conséquences personnelles, économiques et sociales. Pour éviter cela, il faut que l’éthique (re)devienne un sujet de préoccupation pour tous, pas seulement pour ceux qui en parlent le plus volontiers aujourd’hui, à savoir ceux qui n’ont pas, ou plus, d’enjeux professionnels : les « has been » et les « outsiders ». En un mot, il faut que les situations de doutes et d’inquiétudes éthiques qui surgissent sur des lieux de travail reçoivent un écho, y compris sur la place publique.

Le pari de L’Echo de l’Ethique est d’utiliser l’expérience, la capacité d’écoute et le recul des uns pour tenter de démêler les dilemmes des autres. Le groupe de travail va donc débattre à partir des cas et des situations qui lui seront transmises par ceux qu’elles concernent au premier chef. Il n’entend en aucun cas donner des conseils moraux ou des analyses psychologiques de boulevard, mais bien encourager chacun à tracer sa propre ligne de conduite en prenant, au besoin, le contre-pied des opinions exprimées par le groupe de travail.

Le principe de fonctionnement de l’Echo de l’Ethique est simple. Pour informer ou soumettre à la discussion du groupe de travail une situation qui pose problème, il suffit de la décrire et d’adresser un courrier anonyme à l’Observatoire de la Finance (adresse ci-dessous : L’Echo de l’Ethique – office@obsfin.ch). Le groupe de travail se réunira une fois par mois pour débattre en profondeur des cas ou situations, sans chercher nécessairement le consensus. Au terme de chaque réunion, un compte rendu détaillé sera rédigé par un professionnel de la communication. Ce texte sera accessible sur le site www.obsfin.ch/echo-ethique.htm. Par cet intermédiaire, les auteurs des missives initiales pourront prendre de manière anonyme connaissance des commentaires et des réflexions du groupe de travail. Des comptes rendus de ces travaux pourront être publiés par PME Magazine, partenaire média principal.

Le groupe de travail de L’Echo de l’Ethique

Jean-Michel Bonvin, sociologue, professeur à l’Université de Genève

Paul H. Dembinski, économiste, directeur de l’Observatoire de la Finance

Edouard Dommen, éthicien

Mohammad Farrokh, historien, journaliste indépendant

Maître Werner Gloor, avocat, juge suppléant à la Cour de Justice

Madame Beth Krasna, administrateur d’entreprises

Monsieur Jean-Jacques Manz, président de la fondation Ethique & Art

François-Marie Monnet, professionnel de la finance

Etienne Perrot s.j., professeur d’éthique

Jane Royston, créateur d’entreprise, professeure

Vous pouvez adresser votre courrier anonyme (mais suffisamment détaillé!) à

Observatoire de la Finance

L’Echo de l’Ethique

32, rue de l’Athénée

1206 Genève

ou par e-mail : office@obsfin.ch.

L’auteur est professeur d’économie à l’Université de Fribourg, directeur de l’Observatoire de la Finance à Genève. Partenariat PME Magazine.

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