Barre à droite toute!


Notre créneau est un libéralisme de droite», écrivait récemment le rédacteur en chef du magazine économique «Bilan». Il comptait peut-être rendre la monnaie de sa pièce au concurrent «l’agefi» dont le correspondant parlementaire vient de lancer l’Institut Constant, un laboratoire d’idées à côté duquel Avenir Suisse, pourtant sponsorisé par Novartis et le gratin radical, ressemble à un repaire de maoïstes. De son côté, le quotidien «Le Temps» n’en finit pas de concocter une nouvelle formule pour ses pages économiques, sous la houlette d’un ancien journaliste de «l’agefi» qui revendique lui aussi de fortes affinités néolibérales. Tous ces journaux ont un point commun: ils montrent du doigt l’idéologie de gauche. Mais leur surenchère pour s’en démarquer est-elle vraiment authentique? On peut se le demander, en effet, tant le matérialisme libéral semble déjà l’emporter partout. En effet, la chute du mur de Berlin a désinhibé les partisans d’une économie conquérante et égoïste, obnubilée par les performances boursières. Au nom du grand casino de la mondialisation, on délocalise, on licencie en masse. Avant d’être transbordées dans les paradis fiscaux, d’immenses fortunes se créent, accentuant chaque jour la distance abyssale qui les sépare déjà de la classe moyenne, celle-ci s’imposant comme l’unique contribuable de la nation. A tel point que l’on se demande si cette catégorie de la population n’est pas en voie de paupérisation accélérée.

D’ailleurs, qu’est-ce qu’un libéralisme de droite? Et pourquoi en faire l’enjeu d’une compétition, alors que l’Etat a déjà perdu son rôle d’arbitre providentiel? Souvent issus de la grande industrie, les gouvernants tiennent des discours mâtinés de populisme où il n’est question que de réductions de déficits sur le dos de la sécurité sociale.

Les thuriféraires médiatiques de la nouvelle droite veulent se distinguer du restant de la corporation, censée être trop «à gauche». Pourtant la presse, surtout audiovisuelle, ne se distingue pas actuellement par une capacité extraordinaire à enrayer la marginalisation des faibles et des déshérités. Aux mains des annonceurs qui les font vivre, les médias participent d’une culture de la consommation où l’apparence est reine. On dope le téléspectateur aux JO ou à Star Academy. On charge les vedettes du cinéma ou de la chanson de transmettre le message politique, comme à Davos. On propulse les affaires de coeur des têtes couronnées à la une des journaux. Mais qui se préoccupe véritablement de la consti-tution européenne, des déchets nucléaires et du réchauffement climatique?

Il fut un temps où les intellectuels se réclamaient massivement des idées de gauche. Le vent a tourné, mais il souffle toujours sur un troupeau de moutons.

(1) Article publié dans “La Liberté” du 15 février 2005

Tags: , ,

Laisser un commentaire

Les commentaires sous pseudonyme ne seront pas acceptés sur la Méduse, veuillez utiliser votre vrai nom.

Mentions légales - Autorenrechte

Les droits d'utilisation des textes sur www.lameduse.ch restent propriété des auteurs, à moins qu'il n'en soit fait mention autrement. Les textes ne peuvent pas être copiés ou utilisés à des fins commerciales sans l'assentiment des auteurs.

Die Autorenrechte an den Texten auf www.lameduse.ch liegen bei den Autoren, falls dies nicht anders vermerkt ist. Die Texte dûrfen ohne die ausdrûckliche Zustimmung der Autoren nicht kopiert oder fûr kommerzielle Zwecke gebraucht werden.