Je rêvais de photo, j’avais choisi le Brésil

Nous avons passé tout l’après-midi à refaire le monde avec le Vieux Singe. C’est lui qui m’a amené à l’aéroport. Évidemment, j’ai été trop prévoyant et nous avons deux bonnes heures d’avance. Nous allons boire un café. Je lui montre au passage deux-trois trucs sur la photo tout en discutant de choses et d’autres avec conviction.

Nous nous sommes rencontrés en Russie. Il me semble que le cosaque avait été le premier à l’appeler comme ça, Stary Abisian, en russe, ça fait plus authentique. On peut dire que ce nom lui collait à la peau tel le cambouis d’une vieille Jigouli déglinguée. Plus ou moins la quarantaine, cet apôtre de la liberté avait semblé faire partie de toutes les aventures.

Lorsqu’il se lançait dans le récit de ses péripéties, c’est dans la quatrième dimension qu’il nous précipitait sans crier gare. Il savait captiver l’attention comme personne, et, pour qui voulait bien faire partie du voyage, c’était un bonheur absolu de se laisser plonger dans son univers truffé d’excentriques en tous genres. Il faut dire qu’il en rebutait plus d’un avec ses manières de rebelle malgré lui, ébouriffé de tout son être, entièrement dénué d’hypocrisie, l’oil pétillant de malice et de clairvoyance.

Il visait souvent juste, et cela dérangeait. Il avait aussi son propre langage, une sorte d’argot, il fallait beaucoup d’humour pour le décoder, son physique trahissait un passé qui l’avait mené le long des chemins de traverse. C’était un aventurier moderne, un vagabond charmeur, libertaire et surnaturellement sociable. L’homme avait tout ce qu’il faut pour ne pas laisser indifférent l’aspirant baroudeur que j’étais. J’ai écouté attentivement, pendant des heures, et j’ai énormément appris à ses cotés. J’avais déjà une fâcheuse tendance au nomadisme, cette rencontre m’aura littéralement donné des ailes.

Maintenant, c’était mon tour, j’étais en train d’attendre l’avion qui allait me mener vers mes propres aventures. J’avais choisi le Brésil, avec comme toile de fond la capoeira. Je rêvais de photo et j’avais la ferme intention de faire un livre de tout ça. Aucune idée de ce qui m’attendait, il me fallait encore apprendre le portugais, j’avais quatorze heures de vol pour m’y mettre.

L’auteur est photographe de presse, pyms77@hotmail.com, www.realeyes.ch, www.rezo.ch

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