Le Forum social, pour qui, pour quoi?


Le Forum social, pour le grand public, c’est les sans-terre, les dalits, la Palestine, le coton équitable, les posters du «Che», des manifestations qui rassemblent des dizaines de milliers de personnes défilant joyeusement dans une ambiance carnavalesque et sur lesquelles les caméras s’attardent complaisamment. Mais on oublie que le Forum social est aussi et surtout un foisonnement de débats, souvent de grande qualité. Contrairement à Davos dont les discours demeurent superficiels et cachent mal les blocages profonds d’un système en crise, il apporte une fraîcheur et un brassage d’idées bienvenu.

Dès lors comment expliquer ces réactions de méfiance, de dénigrement? La superficialité bien connue des grands médias comme la télévision, est-elle seule en cause? Non, le Forum social doit aussi s’en prendre à lui-même et à sa politique d’information, dans la mesure où ses moteurs traditionnels de mobilisation, s’ils méritent le respect, paraissent parfois éculés. Ils sont de toute manière surmédiatisés par rapport à d’autres thèmes importants, tout aussi présents, si ce n’est plus, dans les enceintes du Forum social.

On peut penser en particulier à l’environnement, à la réflexion sur le réchauffement climatique et les alternatives énergétiques – solaire, éoliennes, pour ou contre le nucléaire – à la santé – pour ou contre les OGM, le clonage – mais aussi à des thèmes socio-économiques tels que la dette, l’organisation du travail et surtout la consommation. Va-t-on continuer à créer des besoins indéfiniment? Quel sens attribuer à la notion de développement, durable ou non?

L’heure se prête à ce genre de réflexion car après cinq ans de forums sociaux, la distinction entre «bons» et «méchants» subit des évolutions sous le coup de nouvelles stratégies qui agissent subrepticement sur les esprits. Des mouvements écologistes ne diabolisent plus le nucléaire. Au nom de l’«éternité» de l’homme, on n’ose plus contester les manipulations génétiques. Même l’OMC, qui déclencha des levées de boucliers au point de provoquer la première manifestation antimondialiste à Seattle, en 1999, retrouve des vertus auprès de certains pays du Sud.

Ainsi que le soussigné l’a relevé récemment lors d’un débat organisé à Fribourg par l’association e-changer, le logo de Porto Alegre est donc à la croisée des chemins. S’il tient à perdurer, une nouvelle dynamique doit succéder à l’enthousiasme spontané des premières éditions. Vers quel idéal canaliser l’énergie et la générosité des pionniers?

La tâche n’est pas facile car le Forum social doit d’abord résoudre un problème d’identification. Lequel se ramène finalement au sens de l’existence. Qui suis-je, où vais-je?

*Article paru dans “La Liberté” du 2 juin 2005

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