Le jour où une dictature écologique…


Une table ronde sur les périls qui nous menacent en matière d’énergie, cela devrait faire tilt, à l’heure du changement climatique et du pétrole qui flambe. Pourtant, il n’y avait pas foule jeudi soir, sous la bulle de l’Agoramobile à Fribourg. La classe politique surtout brillait par son absence.
Dommage: on aurait bien aimé savoir comment nos autorités se positionnent dans le débat sur la promotion des énergies renouvelables puisqu’il faudra bien, un jour, remplacer le pétrole. Idem pour le nucléaire dont certains veulent nous faire croire qu’il a encore une voie royale devant lui, alors que l’on ne sait même pas où stocker les déchets radioactifs.

Combien de Tchernobyl, combien de tsunamis, combien d’Erika, combien de Katrina? Combien de catastrophes notre pauvre planète devra-t-elle se farcir avant que l’on ne parvienne enfin à une prise de conscience collective?

L’humanité consomme aujourd’hui deux cents fois plus d’énergie qu’il y a deux siècles mais la demande globale reste alimentée essentiellement par les combustibles fossiles (charbon, gaz, pétrole). Il est donc impératif d’encourager la recherche d’énergies de substitution et de défiscaliser parallèlement les combustibles renouvelables – bois, colza. L’Union suisse des paysans n’estimait-elle pas hier que les installations agricoles de biogaz pourraient offrir en 2030 l’équivalent de la production mensuelle d’une grosse centrale nucléaire et couvrir les besoins de 150 000 ménages?
Il importe aussi de coordonner les efforts: si chacun reste dans son coin, on n’arrivera pas à grand-chose. Encore moins si l’on délègue cette mission à l’entreprise privée, égoïste par essence. Non, cette tâche de gestionnaire des ressources doit revenir à une entité qui se situe au-dessus de la mêlée purement marchande, donc à l’Etat. L’ONU aussi pourrait s’en charger, encore faudrait-il lui en donner les moyens.

Le travail important est l’information du consommateur où tout reste à faire. Dans les ménages, dans les bureaux, où il n’y a pas de petites économies d’énergie, les comportements doivent changer. Mais cet effort doit aussi être soutenu par une transparence sans faille de la part des pouvoirs publics. Inutile d’essayer de sensibiliser la population par des exercices semblables à celui que les électriciens nous concoctent pour 2006. On nous promet en effet une facture d’électricité détaillant l’origine du courant – nucléaire ou non. Mais dans la pratique, ce sera une autre paire de manches: ces données, nous annonce-t-on déjà, ne seront en partie pas disponibles…
A force de privilégier les intérêts de groupements économiques particuliers et de prendre l’administré moyen pour une pintade malléable et corvéable à merci, les gouvernants actuels s’exposent à un brutal retour de balancier. Leur imprévoyance risque aussi d’entraîner toute la société dans des flots tumultueux. Le jour où une véritable dictature écologique prendra le dessus, c’est sûr, personne ne rigolera.

(1) Article paru dans “La Liberté” du 17 septembre 2005

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  1. Combien de Tchernobyl, combien de tsunamis? | La Méduse - 13 mars 2011

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