L’envol de la finance «durable»

Placements «verts», investissements éthiques excluant notamment l’armement, fonds sociaux ou environnementaux: la finance «durable» intrigue. Elle mobilise un nombre croissant d’acteurs, qu’ils soient des fondations d’investissement, des agences de notation ou des petits actionnaires. Mais les placements durables sont-ils autre chose qu’un effet de mode?

«Les placements durables ont un impact sur la société, parce que nous allons vers une gestion durable des entreprises», a répondu en substance l’économiste genevois Beat Bürgenmeier lors d’une table-ronde organisée récemment à Lausanne par la Banque alternative. Pourtant si 80% des multinationales ont compris les enjeux du développement durable, cette part descend à 12% seulement du côté des PME. La base du tissu économique boude, mais cette situation est-elle si illogique?

Pas tellement, à bien réfléchir. Les PME étant dans leur très forte majorité moins sensibles au grand jeu de la bourse, il leur est moins important de paraître et soigner l’image, une préoccupation constante des grands groupes qui doivent rendre des comptes aux actionnaires.

Après Bhopal, les titres du chimiste Union Carbide ont chuté avant de remonter. Les morts et blessés se comptaient par milliers mais c’est finalement une vision cynique des choses qui a prévalu: après le désastre, vient la reconstruction à laquelle le pollueur participe en construisant des écoles et des hôpitaux… Idem pour Rita: le cyclone aurait pu détruire les installations pétrolières du Texas. En les épargnant, il a surtout sauvé Wall Street d’un krach.

L’influence des placements durables se mesure à l’accueil que leur réservent les milieux bancaires. Lors du débat susmentionné, dans l’espace réservé aux questions du public, un gestionnaire de fortune de la Banque cantonale vaudoise a relevé l’intérêt croissant que ce type d’investissement rencontrait auprès de ses clients. Mais il reste encore beaucoup à faire pour réconcilier véritablement l’économie, le social et l’environnement.

L’information, notamment, demeure trop lacunaire. Dévorée par l’actualité institutionnelle, trop souvent inféodée au «star system», elle peine à remplir sa tâche sensibilisatrice, destinée à induire un comportement plus responsable du monde industriel.

Il faudrait au contraire inverser les rôles et placer le suivi des atteintes à l’environnement et la santé au premier plan de la couverture médiatique. Gageons que le résultat serait très intéressant et nullement décevant en termes d’audience.

Article paru dans « La Liberté » du 7 octobre 2005

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