PAR UN COLLECTIF DE JOURNALISTES SUISSES
La presse écrite remplit de moins en moins son rôle d’information et d’approche critique des événements au profit du divertissement. Or une information indépendante et crédible est un droit fondamental du citoyen autant qu’un devoir pour les journalistes et les éditeurs.
Ce rôle central de notre métier, l’information, est désormais en danger.
La réponse des éditeurs à l’affaiblissement du marché publicitaire engendre des concessions toujours plus grandes aux annonceurs au nom de la survie des titres, mais souvent au détriment du rédactionnel. Informer n’est plus l’objectif premier, les stratégies de séduction et de communication uniformes l’emportent trop souvent sur l’information voire tentent de se confondre avec elle. Le journal est devenu un « produit », mais l’information peut-elle être un produit comme un autre?
Le symbole le plus fort de cette dérive est la transformation radicale de la fonction du rédacteur en chef, dont le rôle s’inverse: au lieu de représenter la rédaction auprès de l’éditeur, il est toujours plus le représentant de l’éditeur auprès de la rédaction; Il occupe aussi toujours davantage des fonctions de marketing. Il cède toujours davantage aux pressions extérieures mettant en danger l’indépendance de la rédaction. Il n’est plus non plus un rempart contre la dégradation des conditions de travail; il arrive même qu’il en soit un acteur.
Cette dérive, qui s’accélère, entraîne une perte des repères professionnels, une précarisation du statut du journaliste. Le manque de personnel, l’absence de formation et de suivi des stagiaires et le cumul des tâches sont les causes d’inexactitudes répétées: sources non vérifiées, textes mal relus et erreurs de faits qui péjorent l’image de la presse. Moins d’argent pour les enquêtes et les reportages, c’est aussi une information appauvrie. Or une information à valeur ajoutée a un prix.
La situation a atteint un point critique. Aujourd’hui, des annonceurs assistent aux séances de rédactions, des journalistes sont forcés de signer des articles de complaisance et pire, certains n’ont même pas conscience de ces compromissions. Se taire ne sert pas notre profession et râler ne suffit plus. Il est urgent de débattre de ces problèmes, il y va de la crédibilité de la profession, du respect de nos lecteurs et de nous-mêmes. Il nous appartient non seulement de défendre mais aussi de revendiquer l’éthique professionnelle, comme le prévoit notre « Déclaration des devoirs et des droits ». Si nous ne le faisons pas, qui le fera ?
Ce texte est le fruit des réflexions d’un groupe de journalistes, collaborateurs d’une dizaine de titres en Suisse romande (La Tribune de Genève, 24Heures, La Liberté, L’Illustré, L’Hebdo, l’Express, L’Impartial, Le Temps, L’Agefi, Le Courrier, Terre et Nature) ainsi que des journalistes libres. Ils n’expriment pas nécessairement leur propre situation, mais une préoccupation pour l’exercice de la profession en général. Nous invitons tous les collègues à lancer le débat au sein de leur rédaction.
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Contact :Christian Campiche, 026-426 4380 ou 079-670 6264
Lausanne, le 10 octobre 2005