Une nouvelle manière de consommer


PAR ELOI CONTESSE

Pourtant, ce sont bien eux qui ont lancé au début 2005 l’idée d’une coopérative d’approvisionnement en légumes biologiques dans la région lausannoise. Depuis leur rencontre avec Gilles Roch, un agriculteur bio de Ballens, un village au-dessus de Morges, tout est allé très vite. Ce dernier a été enthousiasmé par le projet dès le départ. A partir du 12 janvier 2006, il pourra livrer les premiers paniers de légumes aux membres de la coopérative.

Le contrat est simple: les membres s’engagent pour une année entière en payant un montant fixe correspondant au poids du panier choisi (3 ou 5 kg), ainsi qu’en travaillant 3 à 4 demi-journées aux champs. Si l’un des buts de la coopérative est de permettre un approvisionnement à moindre coût en aliments de qualité, les initiateurs de ce projet et les premiers coopérants laissent apparaître d’autres motivations: retrouver un lien avec le producteur de nos légumes, et surtout mettre en place un cadre de consommation qui convienne à leurs convictions. Les principes clés: partager les risques de la production entre l’agriculteur et les consommateurs et offrir des légumes à des prix équitables autant pour le producteur que pour les coopératateurs.

Ces principes ne sont pas venus de nulle part. Les statuts de la coopérative Le Jardin Potager sont largement inspirés de ceux des Jardins de Cocagne, le pionnier en Suisse Romande. Cette structure a démarré en 1978 à Genève, et constitue un succès non démenti à ce jour.

Contrairement au Jardin Potager, elle est propriétaire des champs qu’elle cultive. Face à l’afflux de demandes, elle limite volontairement le nombre de ses membres à 400 pour encourager la création de nouvelles coopératives. Des structures semblables ont essaimé ailleurs, avec Le Lopin Bleu à Neuchâtel et La Clé des Champs dans le Jura. Elles font partie d’un mouvement plus large qui promeut l’agriculture contractuelle pour garantir la souveraineté alimentaire. C’est un concept qui provient des pays à forte urbanisation, comme le Japon, où l’on estime que 10% de la population environ est membre de telles coopératives. Aux Etats-Unis, cette idée est également bien implantée depuis de nombreuses années.

Ainsi, la création de structures de ce type ressemble plus à une lame de fond qui gagnerait lentement la Suisse qu’à une réelle nouveauté. Mais que la Suisse se joigne au mouvement nous indique que les liens entre consommateurs et monde agricole sont en train d’évoluer profondément.

Les clichés de l’agriculture en tant que bastion protectionniste et conservateur tombent petit à petit. J’en veux pour preuve l’alliance victorieuse entre écologistes et agriculteurs pour le moratoire sur les OGM. La droite économique y voit certainement un danger d’immobilisme. Mais on peut également voir cela sous un aspect positif.

Je m’explique. L’ancien modèle politique voulait que les paysans votent pour les partis bourgeois pour s’assurer le maintien de privilèges. Le nouveau esquisse une volonté commune entre agriculteurs et citoyens à convictions vertes de développer des modèles de consommation différents de ce que nous propose le néolibéralisme.

Ce nouveau modèle, tel qu’il s’exprime actuellement avec le Jardin Potager dans la région de Lausanne a ceci de novateur qu’il est indépendant de tout parti politique et de toute impulsion étatique. Il s’agit d’une action appartenant entièrement à la société civile.

On peut gager qu’actuellement ce type de mouvements est pris à la légère par la plupart des hommes politiques. Mais il appartient certainement à une évolution générale qui risque de transformer radicalement nos comportements durant ces prochaines décennies. Celles-ci seront marquées par une tension toujours croissante entre des mouvements régionaux d’inspirations solidaires et écologiques, et des milieux économiques dont la pression vise une expansion agressive et des profits immédiats.

www.lejardinpotager.ch, www.cocagne.ch

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