«La grippe aviaire est intégrée dans les scenarii des assureurs»


PROPOS RECUEILLIS PAR CHRISTIAN CAMPICHE

L’année 2005 restera une année exceptionnelle pour l’assurance suisse, car jamais encore autant de sinistres dus aux forces de la nature n’avaient été enregistrés, relève Albert Lauper, le président de l’Association suisse d’assurances (ASA) dans le dernier bulletin de cet organe faîtier.

Vous le reconnaissez dans la même brochure, les modifications climatiques préoccupent au plus haut point les assureurs et les réassureurs. Mais en même temps, vous parlez «de bons» voire de «très bons» résultats annuels pour l’ensemble de la branche.

Albert Lauper: Il est évident que les catastrophes naturelles augmentent tant en fréquence qu’en prévisibilité mais aussi en ampleur. La tendance exponentielle qui se dessine depuis les années soixante se confirme. Il n’est que de voir l’évolution du coût des sinistres en Suisse. Ce dernier a explosé en 1999 avec l’ouragan Lothar avant de se stabiliser jusqu’à l’année dernière où l’on a connu un pic absolument inédit du fait des inondations en Suisse centrale. Ce qui frappe aussi, c’est le parallélisme avec d’autres catastrophes dans le monde. Plusieurs facteurs expliquent ces prévisions relativement optimistes. D’abord le fait que les dommages courants ont été moins élevés que d’habitude, ce qui a permis de compenser en partie les dommages naturels. La deuxième raison tient à l’explosion des cours boursiers, qui a permis d’enregistrer des recettes financières supérieures aux attentes. La troisième est à attribuer à l’amélioration des résultats découlant de la réduction des coûts de fonctionnement.

Vous voulez parler de réductions d’effectifs?

Aussi. Il est vrai que toutes les compagnies ont entrepris depuis cinq ans un programme dans ce sens. L’effectif global de la branche en Suisse est ainsi passé de 49 000 employés en 2001 à 42 000 en 2005. Mais je ne pense pas que cette évolution va se poursuivre. Je m’attends à une stabilisation voire même à une nouvelle augmentation des effectifs car les besoins des assureurs continuent de croître. En outre, les efforts consentis pour travailler davantage sur internet ne s’avèrent pas concluants. Il faudra donc toujours des personnes pour conseiller la clientèle.

Vos prévisions pour 2006?

Dans notre domaine, l’exercice d’anticipation est difficile. Comment aurait-on pu prévoir Lothar ou les inondations en Suisse centrale? Ce que l’on peut dire, en revanche, c’est que les fondamentaux sont positifs. Après les années difficiles 2001-2002, les compagnies ont toutes révisé leurs stratégies en se concentrant sur leur métier de base. Elles se sont assainies en ne misant plus seulement sur l’acquisition de portefeuille à tout prix et en réduisant les risques dans leur politique de placements.

La grippe aviaire est-elle un souci sérieux pour les assureurs?

Nous la considérons comme une menace sérieuse mais nullement exceptionnelle. Chaque année, la grippe fait des morts mais personne n’en parle. La situation sanitaire n’est plus celle de 1918, l’année de la grippe espagnole et la médecine a fait de gros progrès. L’épidémie est déjà totalement intégrée dans les scenarii des assureurs.

Même les 10 000 morts que prévoient les spécialistes en cas de pandémie?

Oui. Les compagnies sont averties et ont dû procéder aux réserves nécessaires. Plus inquiétant, parce que moins maîtrisable, par contre, est le risque économique global, un recul du produit intérieur brut résultant de la grippe aviaire. Mais dans ce cas, c’est l’économie dans son ensemble, qui serait affectée, pas seulement le monde des assurances.

Interview parue dans “La Liberté” du 3 mars 2006

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