Quand on lui demande comment il va, Clément Tolusso répond: «Un peu trop bien, j’ai tellement de boulot!» Il est vrai que le porte-parole de Greenpeace semble au four et au moulin en cette fin d’automne. Le jour où «La Liberté» l’a rencontré, il n’a pas arrêté de consulter son PDA (ordinateur de poche). Sonnerie du téléphone portable, dialogue en dialecte alémanique et cette révélation: «Nos collègues français et allemands ont trouvé un nouveau trafic de pesticides entre la France et l’Allemagne». Clément Tolusso sait qu’il occupera le restant de sa journée à communiquer l’information à la presse.
Comment va la récolte des fonds?
Elle marche bien. Lorsque j’ai commencé à travailler pour Greenpeace en Suisse, en 1993, nous avions un budget de 10 millions de francs. Nos comptes 2006 ne sont pas encore clos mais en 2005, nous avons reçu et dépensé 18 millions. Nous avons donc presque doublé notre budget en une douzaine d’années.
D’où vient l’argent qui est adressé à Greenpeace?
Nos donateurs sont au nombre d’environ 150 000. Beaucoup de montants se situent entre 10 et 20 francs. Le plus gros don enregistré s’est élevé à un million. C’était un don anonyme. Mais la moyenne annuelle est entre 100 et 200 francs.
Le mystérieux donateur était peut-être Daniel Vasella…
Ca m’étonnerait. Une chose est sûre, s’il l’avait fait ouvertement, nous n’aurions pas accepté. Nous refusons en effet les fonds liés à un intérêt particulier, l’argent des partis politiques, celui des institutions supranationales et des collecti- vités publiques. Quand nous avons occupé la décharge de Bonfol, en 2000, une imprimerie a donné 1200 francs. Nous avons accepté cette fois-là, mais parce qu’il n’y avait pas d’incidence négative sur le travail.
Les démarcheurs de Greenpeace se font parfois insistants au téléphone. Votre campagne de récolte des dons n’est-elle pas trop agressive?
Il se peut en effet que certaines personnes soient irritées. Cela dit, il y a un système qui fonctionne assez bien, c’est celui des débits directs à des stands, par exemple. Une agence le fait pour nous. Ce système offre l’avantage de permettre une budgétisation relativement fiable.
A quoi sont affectés les 20 millions de francs que Greenpeace Suisse a reçus en 2006?
Au paiement des salaires de ses employés, notamment. Greenpeace dispose d’un effectif de 42 postes en Suisse, la plupart à Zurich où nous louons presque un immeuble entier. Trois personnes travaillent aussi à Berne et deux à Genève. L’argent va en outre à l’organisation de campagnes comme celle de Bonfol, à la recherche d’informations ainsi qu’à la mise en place d’instruments de pression sur les autorités. Nous versons aussi près de quatre millions à Greenpeace International et aux bureaux de Greenpeace dans des pays en développement.
Pression sur les autorités: vous voulez dire lobbying?
On fait peu de lobbying. Par contre, nous rappelons sans cesse aux gens qu’ils peuvent exercer une pression sur différents objets indiqués dans notre rapport annuel tels que l’assainissement des sites conta- minés, le climat et l’énergie qui sont deux thèmes tellement liés que nous les avons placés dans la même campagne. Nous avons obtenu un très joli succès avec la campagne sur le génie génétique. Les grands distributeurs se sont engagés à ce que les animaux dont ils vendent la viande ne soient pas nourris aux OGM.
Mais le débat sur les OGM n’est-il pas conditionné d’abord par les Etats-Unis?
C’est plutôt le contraire qui est vrai. Un début de débat a été engagé aux Etats-Unis suite aux démarches européennes. Les Américains se sont dit: «Pourquoi des OGM si les Européens n’en veulent pas?»
Certains partis politiques vous soutiennent-ils plus que d’autres?
Nous prétendons être indépendants des partis mais il est évident que nous avons beaucoup en commun avec les Verts. Avec les socialistes aussi ou certains groupements comme Ecologie Libérale, dans le canton de Vaud, qui a soutenu la votation «Sortir du nucléaire» en 2003.
Certaines campagnes ont-elles connu des flops?
Il faut relativiser. Il est rare en effet que nous obtenions des victoires retentissantes: nous n’avons jamais directement pu obtenir l’arrêt d’une centrale nucléaire. Par contre, c’est grâce à l’action de Greenpeace que la législation suisse interdit maintenant le retraitement du combustible nucléaire irradié. Actuellement, je dirais plutôt que quelques campagnes traînent. Dans le cas des décharges chimiques, nous ne savons plus comment faire pour exercer la pression sur la chimie bâloise.
*Article paru dans « La Liberté » du 2 décembre 2006