Le 30 Novembre 2006, la revue scientifique internationale de référence Journal of the American Ceramic Society a publié les résultats d’une recherche scientifique(1) très importante effectuée sur des pierres des pyramides d’Égypte. Elle confirme la théorie développée par le professeur Joseph Davidovits comme quoi ces pierres seraient artificielles et faites d’un calcaire aggloméré comme un béton (fausse pierre).
La construction des pyramides égyptiennes pose un sérieux défi à la science moderne. Qu’on en juge : la pyramide de Kheops, construite pendant le règne de 20 ans du pharaon du même nom est constituée d’environ 2,5 millions de blocs d’un poids moyen de 2 tonnes. Certains pèsent même jusqu’à 30 tonnes et ne se trouvent pas à la base de la pyramide, mais environ quarante mètres plus haut. Comment une civilisation ne possédant pas la roue a-t-elle pu réussir ce tour de force ?
Le professeur Joseph Davidovits est le père d’une nouvelle branche de la science des matériaux appelée géopolymère. Il a effectué des recherches dès le milieu des années 70 pour développer des matériaux ignifuges à partir de résines minérales faciles à mettre en œuvre et capables de supporter une température de 1000 à 2000°C. Aujourd’hui, ce domaine de recherche est en pleine expansion. De nombreuses universités et sociétés privées de par le monde s’activent à développer ces nouveaux matériaux dans des applications nombreuses et très diverses. On peut citer comme exemple des ciments « écologiques » réduisant jusqu’à 90% le dégagement de gaz à effet de serre lors de leurs fabrications comparés aux ciments actuels, le stockage des déchets radioactifs ou encore la fabrication de matériaux composites ignifuges pour l’industrie des transports.
C’est en s’intéressant à la technique perdue de mise en œuvre des mortiers anciens utilisés par les Egyptiens et les Romains qu’il en est venu à émettre cette théorie révolutionnaire pour expliquer le mode de construction des pyramides et des temples de l’Ancien Empire : les blocs n’ont pas été taillés et transportés mais ils ont été coulés sur place.
L’avantage de cette approche est qu’elle permet de résoudre instantanément un ensemble de problèmes que la théorie des pierres taillées n’explique pas. En plus de la question du transport des blocs sur une échelle de temps si courte déjà présentée plus haut, on peut citer les problèmes suivants :
– Les égyptiens de l’Ancien Empire n’auraient eu à leur disposition pour tailler avec une telle finesse un calcaire grossier (contenant une fraction importante de coquilles et de squelettes d’organismes marins) que des outils rudimentaires en silex ou inadaptés en cuivre (un métal particulièrement mou).
– Les carrières suspectées d’avoir servi à la taille des blocs ne contiennent pas les centaines de milliers de tonnes de cailloux concassés, sous-produits des activités de la taille.
– Si l’on s’imagine que les blocs ont été coulés puis on durcit côte à côte, le mystère de la disposition parfaite des blocs entre eux, avec dans certains cas la présence de joints courbes de moins de 2 millimètres de large, s’évanouit.
L’explication détaillée, donnée par le professeur Davidovits, est la suivante : les ouvriers égyptiens ont extrait le matériau dans des carrières de calcaire relativement tendre, puis l’ont désagrégé avec de l’eau, mélangé cette pâte de calcaire à de la chaux et des ingrédients comme l’argile kaolinitique, le limon et le sel natron égyptien (carbonate de sodium) formant des tecto-alumino-silicates. La boue de calcaire (incluant les coquillages fossiles) fut transportée dans des paniers puis versée, tassée ou compactée dans des moules (faits de bois, pierre, argile ou brique) placés sur l’aire des pyramides. Ce calcaire ré-aggloméré durcit en blocs de grande résistance.
Les preuves de cette théorie sont nombreuses :
– Les coupes des échantillons des blocs de pyramides montrent la disposition complètement anarchique des squelettes, coquillages et des grands fossiles d’organismes marins. Une roche sédimentaire naturelle se constitue par couches et donc les fossiles sont disposés suivant un ensemble de plans parallèles. Les observations permettent également de mettre en évidence la présence de bulles d’air, de fibres organiques, d’os et de dents d’animaux, des matériaux étrangers jamais trouvés dans le calcaire naturel.
– Ces mêmes échantillons contiennent des micro-constituants contenant des quantités appréciables de silicium en combinaison avec des éléments, tels que le calcium et le magnésium, dans des rapports qui n’existent dans aucune des sources potentielles de calcaire et sous des formes inconnues dans les pierres naturelles.
– D’un point de vue historique, deux stèles égyptiennes très anciennes indiquent que les artisans possédaient “une connaissance secrète” pour fabriquer des statues en pierre, pas en les taillant mais en les formant dans des moules.
– Enfin cette théorie permet d’expliquer la fabrication de très vieux vases et objets égyptiens en pierres extrêmement dures.
Pour l’heure, le secrétaire général des antiquités égyptiennes, le docteur Zahi Hawass, nie la validité des conclusions des diverses études en prétextant l’origine douteuse des échantillons présentés comme provenant de blocs des pyramides. Si la confirmation officielle de ces travaux devrait prendre encore quelque temps, elle ne fait plus aucun doute aujourd’hui d’un point de vue scientifique.
Pour plus d’informations :
www.geopolymer.org
La Nouvelle Histoire des Pyramides, Joseph Davidovits, Ed. J.C. Godefroy, Paris, (oct. 2004)
Ils ont bâti les Pyramides, Joseph Davidovits, Ed. J.C. Godefroy, Paris (sept. 2002)
(1) Barsoum, M. W., Ganguly, A. & Hug, G. (2006), Microstructural Evidence of Reconstituted Limestone Blocks in the Great Pyramids of Egypt, Journal of the American Ceramic Society 89 (12), 3788- 3796
L’auteur est ingénieur diplômé de l’EPFL en science des matériaux, Pully, Suisse