Dialogue rompu au quotidien «Le Matin»

L’issue du scrutin, qui devait au départ rester secrète, ne laisse planer aucun doute sur l’ambiance qui règne au sein de la rédaction du quotidien orange, qui compte 81 journalistes. A une forte majorité – 43 contre, 15 pour et 11 blancs – les votants se sont prononcés contre le directeur-rédacteur en chef.

PAR CHRISTIAN CAMPICHE

«Ce résultat est énorme, compte tenu du fait que beaucoup de rédacteurs craignent pour leur avenir», commente, impressionné, un journaliste qui connaît bien la maison.

Difficile toutefois de savoir exactement pourquoi la situation est arrivée à un tel état de pourrissement. «Nous subissons des pressions abominables comme cela n’a jamais été le cas dans la presse suisse», accuse un employé sous couvert d’anonymat. «L’histoire est longue et complexe», poursuit un autre dont le ton trahit un embarras certain.

«Il y aura de la casse»

Entre les lignes, on comprend que la situation a dégénéré progressivement, suite à des conflits entre personnes, même si tout le monde, au sein de la rédaction, ne partage pas ces critiques. Tel journaliste, qui déclare n’avoir pas eu connaissance du résultat du vote, dit ne pas comprendre l’état d’esprit de ses collègues. «Peter sait ce qu’il veut. Il fonce. Globalement il fait du bon boulot. Il a des idées. Il les assume. A-t-il froissé certains frustrés? Ce n’est pas le bagne, ce journal. D’ailleurs les personnes qui nous quittent bénéficient d’un magnifique plan social.»
Reste que parmi les plus optimistes, peu de personnes croient à un avenir véritablement radieux. «Il y aura encore de la casse côté emplois», soupire un initié.

En novembre 2006, l’heure était pourtant encore aux beaux slogans. L’adaptation du contenu au lectorat jeune, urbain, féminin et pressé devait démontrer que le journal a «un bel avenir», relatait une dépêche d’agence en référence au relookage du «Matin».

Maigre espoir

Moins d’une année après, force est de constater que la situation est loin de correspondre aux attentes de l’époque. D’une année à l’autre, «Le Matin» a vu son tirage s’affaisser de 5000 exemplaires, comme l’attestent les chiffres de l’institut Remp, publiés le 1er octobre dernier. L’édition dominicale, autrefois fer de lance du groupe Edipresse, a subi une tendance identique, quoique dans une proportion moins marquée. Raison invoquée: la montée en force des gratuits, dont «Le Matin Bleu», édité par le même Edipresse, qui concurrencent désormais leurs aînés sur leur propre terrain, celui de la «pipolisation» à outrance, tout en cannibalisant la publicité.

En août dernier, les rumeurs alarmistes étaient confirmées sur le plan rédactionnel avec l’annonce d’une charrette. Six journalistes, dont plusieurs plumes connues, étaient licenciés sur l’autel d’une réorientation de l’image du «quotidien orange». Pour redresser la barre, le «Matin» annonçait simultanément l’engagement d’Ariane Dayer et de Michel Jeanneret, deux pros des coups médiatiques dont l’arrivée continue d’alimenter le maigre filet d’espoir qu’entretiennent les moins démontés parmi les membres de la rédaction.

Une rédaction dont le responsable semble pour l’heure (aucun porte-parole n’a répondu présent hier) bénéficier de l’entier soutien du groupe Edipresse, selon une source bien informée.

Article paru dans « La Liberté » du 11 octobre 2007.

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