Les altermondialistes à Belem en 2009


Mais où est donc passé le Forum social mondial? Une année après sa délocalisation provisoire en Afrique, l’héritier de Porto Alegre brille par son absence dans les grands rendez-vous de ce début 2008. Alors qu’à Davos son concurrent fourbit ses hallebardes en vue d’une édition semblable à toutes les autres, avec ses «people» à profusion, le Forum social déclare forfait, pour la première fois depuis sa création au Brésil, en 2001. Signe qu’il s’essoufle, comme l’a suggéré le journal «Le Temps»?

Quand ils entendent ce mot, les altermondialistes bondissent. «Au contraire, le mouvement entame sa deuxième phase. Il consolide les réseaux, par exemple, dans le domaine économique, celui dédié à une fiscalité plus équitable, un espace de réflexion animé par le Suisse Bruno Gurtner», réagit le Fribourgeois Bernard Fragnière, président d’E-Changer.

Critiques à Nairobi

Il est vrai que les critiques ont fusé l’an dernier, au retour de Nairobi où s’est tenu le 7e Forum social mondial. On a compté les participants: 57 000. Nettement moins qu’à Mumbai ou Porto Alegre, lieux des précédentes éditions. On a fustigé le coût du déplacement et le prix de l’entrée (10 dollars) prohibitif pour les Kenyans. Forum de riches, ont accusé certains.

Pourtant, le mouvement syndical est sorti renforcé du rendez-vous africain, disent les spécialistes syndicaux, qui rappellent qu’une campagne a été lancée contre la précarité au travail. «Quand on en arrive à nous demander de couper nos salaires pour être compétitifs avec la Chine, on trouve nécessaire de solidifier nos réseaux internationaux. Il faut à tout prix éviter de niveler par le bas nos conditions de travail», analyse Jacques Létourneau, de la Confédération des syndicats nationaux, interrogé sur le site www.alternatives.ca.

Lien rompu avec Davos

Les amateurs de sensations fortes seront déçus, cette année, il n’y aura pas de duplex entre Porto Alegre et Davos. Jusqu’en 2006, ce genre de prestation médiatique avait connu un certain engouement, encouragé par les spécialistes en communication de Klaus Schwab, gourou du Forum économique mondial. C’était aussi l’époque où nombre d’ONG flirtaient avec le WEF.

Ce temps est révolu. «L’espoir était de trouver des solutions communes avec le WEF. Le résultat s’est avéré décevant», note Bernard Fragnière. Lequel déplore que l’ouverture du WEF à la société civile se soit restreint au cours des deux dernières années. «Les élites politique et économique reviennent à leurs vieux réflexes.»

Un regain de méfiance qui ne manquera pas de motiver les empêcheurs de tourner en rond déterminés à se rendre à Davos. Ainsi, mercredi 23 janvier, la Déclaration de Berne et Pro Natura décerneront leurs traditionnels «Public Eye Awards» stigmatisant les entreprises aux comportements socialement et écologiquement irresponsables. Dans la course au bonnet d’âne: Bayer, Dole et Glencore.

Rendez-vous en jungle

Puis, le 26 janvier à Zurich, journée qui marque le point d’orgue d’une série d’actions dans le monde destinées à symboliser la lutte contre la pauvreté, les désastres écologiques et la négation des droits humains, ce sera au tour des militants du mouvement «L’Autre Davos» de débattre des dérives du néolibéralisme. Au menu: Jean Ziegler et Susan George et Naomi Klein.

Une répétition du Forum social suisse qui se tiendra en avril à Berne? Sans doute. Mais aussi et surtout un avant-goût du grand rassemblement altermondialiste déjà prévu à Belem, dans la jungle amazonienne, en janvier 2009. Un retour aux sources, comme si le Brésil avait fait sien une fois pour toutes le slogan «un autre monde est possible».

*Article paru dans “La Liberté” du 19 janvier 2008

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