La logique voudrait qu’en avril 2008, la situation soit sous contrôle et que les éventuels points faibles soient corrigés. C’est possible; mais le gouvernement et EDF sont d’une discrétion telle qu’il a fallu la curiosité de l’association «Sortir du nucléaire» pour que l’on prenne connaissance de ce rapport qui s’avère être tout sauf rassurant. Une curiosité qui pourrait coûter cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende à Stéphane Lhomme, le porte-parole de l’association interpellé la semaine dernière, le dit rapport étant classé «Confidentiel Défense»…. (Défense de qui? Des consommateurs, de l’environnement ou de l’industrie
nucléaire?).
Quoiqu’il en soit, nous pouvons être reconnaissants à Stéphane Lhomme pour la publication de ce document dont nous recommandons la lecture sur le site de l’association pendant qu’il s’y trouve encore (http://www.sortirdunucleaire.org).
«Démarche de dimensionnement des ouvrages EPR vis-à-vis du risque lié aux chutes d’avions civils» est un rapport technique qui se réfère à des normes inconnues du lecteur moyen, mais qui a été analysé par un bureau d’ingénieurs
spécialisés de Londres pour le compte de Greenpeace. Sévère critique se terminant par ces mots: «Finalement, je ne suis pas surpris des remous provoqués au sein de l’industrie nucléaire française par la divulgation de ce document. Non pas parce qu’il révèlerait des détails très sensibles sur l’EPR, ce qui n’est certainement pas le cas, mais plutôt parce qu’il dévoile ce qui ressemble à un manque quasi total de préparation pour se prémunir d’une attaque terroriste.»
Pour le profane, la lecture de la lettre d’accompagnement d’EDF suffit pour se faire une idée et nous en livrons la clef: “Nonobstant l’aptitude du projet EPR à faire face à des chutes d’avion, il convient de noter qu’EDF n’envisage pas d’assurer une capacité de résistance vis-à-vis de tout acte de guerre ou tout acte terroriste envisageable. La prévention de ceux-ci ou la limitation de leur effet relève essentiellement de la puissance publique”. Au premier abord, il semble que la puissance publique soit davantage occupée à vendre des réacteurs EPR en Chine plutôt qu’à en assurer la sécurité en France.
En Suisse, la question ne se pose (en principe) pas pour de nouveaux réacteurs dans la mesure ou la volonté de se passer de l’énergie nucléaire a été clairement exprimée, mais aucune centrale existante n’a été construite dans l’éventualité d’un acte terroriste! Leur vulnérabilité fait froid dans le dos et seule la centrale nucléaire en caverne de Lucens aurait été inattaquable; malheureusement elle a sauté de son propre chef.
Il est temps de poser la question suivante à nos autorités: «Quelles sont les recommandations de la Division principale de la Sécurité des Installations Nucléaires de l’Office Fédéral de l’Energie au sujet de la sécurité de centrales nucléaires en cas d’acte terroriste?» En espérant que la réponse ne soit pas: «Confidentiel Défense».
*Article paru dans www.journaldegeneve.ch