Produire des déchets n’est pas une fatalité


Le problème des déchets de Naples a beaucoup occupé les médias et empoisonné -c’est le cas de le dire – la vie des Napolitains et des gouvernants italiens. Longtemps personne n’a semblé à même de résoudre ce problème dont M. Berlusconi a voulu, en désespoir de cause, faire une affaire militaire. Car il faut imposer des déponies à ceux qui n’en veulent pas, quitte à utiliser l’armée pour cela. La mafia italienne, apparemment responsable de cette situation, a bien dû se marrer.

Que faire? Il faut construire des incinérateurs de déchets, disent les autorités. En attendant, on préconise la prise en charge des déchets napolitains par des usines d’incinération étrangères disposant de capacités suffisantes. Il a même été question de l’usine des Cheneviers à Genève. Combien de voyages de camions pour trimballer ces dizaines de milliers de tonnes de détritus?

L’incinération ne résoud d’ailleurs pas vraiment le problème des déchets et en crée de nouveaux. Les gaz de fumée des incinérateurs contiennent des substances très nocives et doivent aujourd’hui être nettoyés par divers procédés. Le résidu de l’incinération et du nettoyage des fumées, constitué de diverses scories, cendres et mâchefers, contient des substances toxiques et ne peut pas être débarrassé n’importe où. Il s’agit de déchets spéciaux pour lesquels il faut bien aussi trouver des déponies adéquates dont la capacité est forcément limitée et qui finiront par se remplir. Et après? L’exportation vers des pays peu regardants est une option pour le moins discutable et inévitablement limitée dans le temps.

Pendant toute cette agitation autour des déchets, personne n’a évoqué la seule option réaliste, à savoir celle qui consiste à arrêter d’en produire. Produire des déchets n’est pas une fatalité. La nature n’en produit pas car la matière organique, quel que soit son état, a toujours sa place dans un cycle fermé. Il n’y a pas de “déchet organique”. Il s’agit là d’un oxymore, d’une contradiction dans les termes. Encore faut-il que l’homme n’empêche pas les cycles naturels de se fermer, comme par exemple, en mettant les déjections humaines dans l’eau au lieu de les composter et de les retourner dans le sol. Mais aujourd’hui le système économique est tributaire de la production de déchets pour assurer son existence et sa croissance. On travaille de plus en plus pour l’obsolescence ce qui génère des montagnes d’appareils devenus obsolètes. Un bon exemple est le téléphone portable que l’on jette après quelques mois d’utilisation pour ensuite acquérir le “dernier” modèle. Mais il y a aussi les emballages, les cornets en plastique et autres objets qui deviennent déchets peu après leur production et qu’on retrouve un peu partout, y compris dans l’estomac des poissons.

Bien sûr, l’incinération des ordures produit de la chaleur que l’on peut utiliser et l’”écologie industrielle” permet de réduire quelque peu les flux de matière. Mais sommes-nous obligés de produire des déchets pour avoir chaud et de construire des machines et des appareils pour le plaisir de les démonter et de maintenir ainsi des emplois?

* Physicien, 1822 Chernex, Suisse
Proposé pour la rubrique “L’invité”, ce texte a été refusé par un grand quotidien vaudois.

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Un commentaire à “Produire des déchets n’est pas une fatalité”

  1. Artémis 3 août 2008 at 11:01 #

    Il est grand temps que les consommateurs prennent conscience de leur responsabilité. Le respect de la nature signifie la survie pour chaque consommateur. Malheureusement combien sont-ils à s’en rendre compte? Ce type de prise de position est donc vital! Bravo!!

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