C’est bien plus facile de démolir Marcel Ospel que de s’en prendre au système*


Connaissez-vous le néologisme de Blospel? Blocher et Ospel unis pour le pire et inspirateurs d’un syndrome ou plutôt d’un complexe. Un Blospel désignera dorénavant celui qui bafoue l’Etat. Jacques Neyrinck nous annonçait au printemps vouloir écrire une pièce de théatre sur Blocher. Il tient peut-être le projet enfermé dans un tiroir, les acteurs attendront.
Dans l’immédiat, le scientifique et politicien sort un pamphlet 1 consacré au «naufrageur» de Swissair, «fossoyeur» de l’UBS et, comme si cela ne suffisait pas, «démolisseur de la Suisse». Dans la mythologie noire, c’est sûr, l’ex-patron de l’UBS aura sa place au panthéon.
Puni par où il a péché
Faut-il pour autant en faire une bête expiatoire? «L’homme qui est allé trop loin» s’est brûlé les ailes dans son culte du capitalisme anglo-saxon. Il a été puni par où il a péché. A trop vouloir cloner les Américains, il a perdu le sens de la mesure, sa responsabilité dans le krach de l’UBS est certainement immense.
Tant les réalistes que les paranos y trouveront leur compte
Mais frapper le seul Ospel est évidemment beaucoup plus simple que de s’en prendre au système qui a permis l’éclosion d’une génération de flambeurs. Pourquoi les organes de surveillance ont-ils laissé faire? Neyrinck ne s’y attarde pas, même s’il lance une pique contre «les organes vitaux de contrôle de la Confédération. La Commission fédérale des banques ou le Bureau d’enquête sur les accidents aériens doivent être composés d’experts indépendants qui n’ont pas travaillé et a fortiori qui ne continuent pas de travailler pour les sociétés qu’ils surveillent».
Auteure d’un livre sur l’UBS 2, la journaliste financière Myret Zaki est plus explicite sur les lenteurs, pour ne pas parler des lacunes, de l’organe de surveillance. «Si la CFB l’avait écoutée, l’UBS n’aurait pas pu gonfler son bilan. (…) Le régulateur manquait d’autorité dans le domaine de la gestion des risques. (…) C’est le piège de l’«institutional capture» dans lequel des instances étatiques se trouvent prises lorsque, face à une multinationale au poids très important par rapport à son économie, elles manquent de recul et d’esprit critique. Enfin, il faut se souvenir également qu’Eugen Haltiner, président de l’autorité de surveillance, était un ancien responsable de l’UBS à Zurich. Le recrutement de banquiers ne favorise pas l’adoption d’une vue réellement indépendante du secteur bancaire».
Des armes à l’adversaire
Du bouc émissaire à la théorie du complot, il n’y a qu’un pas. Et ce pas, David Laufer 3 le franchit allègrement. En voulant faire jeu égal avec les banques américaines, les banques suisses ont importé un système fiscal monté pour financer les guerres étasuniennes. Ce faisant, elles ont donné des armes aux adversaires du secret bancaire. Ce dernier serait même la cible d’une vaste conspiration visant à le démolir. La thèse n’est pas nouvelle, elle émerge lors de chaque crise entre la Suisse et ses principaux partenaires commerciaux, le paroxysme ayant été atteint il y a dix ans, au moment de l’affaire des fonds juifs. Cette fois-ci, les Etats-Unis ont-ils été jusqu’à provoquer un krach mondial dans l’unique dessein de couler la banque suisse? Les économistes et banquiers interrogés par David Laufer ne vont pas aussi loin que l’auteur dans sa conclusion. Mais les paranoïaques y trouveront leur compte. Les réalistes aussi. Ils pourront toujours se mettre dans la peau de Barack Obama et dire à sa place qu’à toute chose malheur est bon.
1 «Marcel Ospel, l’homme qui est allé trop loin», par Jacques Neyrinck, Ed. Favre
2 «UBS, les dessous d’un scandale», par Myret Zaki, Ed. Favre.
3 «Mon banquier m’a dit… Qui veut détruire la banque suisse?» par David Laufer, Ed. Xenia.

 

*La Liberté” du 10 décembre 2008

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Un commentaire à “C’est bien plus facile de démolir Marcel Ospel que de s’en prendre au système*”

  1. david laufer 13 décembre 2008 at 14:07 #

    Merci de votre article. C’était une excellente idée de recenser les 3 ouvrages ensemble. Mais c’est marrant, cette histoire de conspiration. Je n’y fais pas mention un seul instant, ni dans les termes ni dans le fond. L’article dans 20 Minutes ne parlait que de cela en me demandant si je croyais à la possibilité d’un krach réalisé dans le seul but de couler les banques suisses, thèse absurde que je réfutais sur une colonne entière, que vous n’avez peut-être pas lue. Le fait d’expliciter les raisons qui poussent certains pays à s’attaquer au secret bancaire, suisse ou pas suisse, relève-t-il automatiquement de la croyance à la théorie du complot ? Je note enfin que, de mes interlocuteurs, celui qui est le plus alarmiste sur les visées du fisc américain contre le secret bancaire et les mégabanques suisses est lui-même Américain, et qu’il n’a de cesse de fustiger la candeur et la naïveté des banques suisses.

    Dans l’espoir de vous relire très bientôt,

    Bien à vous,

    DL

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