Sur la côte du Malabar, la petite grande ville de Calicut sommeille dans la douceur de l’hiver austral. Etalée entre l’Océan indien aux eaux tièdes et pas très propres et les Ghats occidentaux, Calicut a perdu son brio du temps des épices. Il n’en reste qu’un marché, le dimanche silencieux et désert, fréquenté par des essaims de corbeaux téméraires, au gros bec goulu. A deux pas, le marché reste animé, dimanche ou pas dimanche. Ici, les communautés religieuses cohabitent dans une grande tolérance mutuelle. Le dimanche, justement, on peut entendre presque simultanément le tintement de quelques cloches discrètes, la prière matinale du temple de Shiva tout proche et l’appel à la prière des nombreuses petites mosquées.
Le dimanche, c’est quand même un jour férié – pas chômé. Ouvre sa boutique qui veut. De fait, seules les banques et les administrations ont portes closes.
Calicut compte un nombre impressionnant de cliniques, dispensaires et hôpitaux en tous genres. Le touriste est rare, en revanche, quand l’Inde regorge de monuments, temples et paysages spectaculaire, que peut-on voir à Calicut ? Certes, la ville se trouve sur la route de Mumbai, ou peut-être un point de repliement pour faire du trekking dans la région de Wyanad. Mais plus ?
Les centres de traitements ayurvédiques s’y multiplient. L’ayurveda, ou en deux mots, science ou connaissance de la vie, est à la mode, et Calicut pourrait bien récolter les retombées de cet engouement, occidental, mais pas seulement.
Dimanche, fin de journée. La plage est bondée. On y vient en famille, en amis/ies, pour voir et être vu, comme en d’autres lieux du monde, lancer son cerf-volant et le faire monter dans le ciel plus haut que celui du voisin. Les communautés se mélangent, mais ne se confondent pas. Et on reste entre gens du même genre, comme probablement de la même caste… Les (rares) étrangers attirent les regards. Quelques improbables vaches vautrées dans le sable, se dorent au soleil couchant.
Pétarades, croassements, cris d’enfants, un air de raga, des effluves de bananes frites et d’huile de coco. On « drague » un peu, ou fait semblant. Une envolée de saris de toutes les couleurs, fous rires, et regards en biais. Ici, les mariages arrangés ont encore de beaux jours devant eux. Un père tuera sa fille sans pitié si elle a le malheur de tomber amoureuse. D’un homme qu’il n’avait pas choisi. La presse regorge de ces faits divers.
Mais les temps changent, même en Inde. Surtout en Inde. Et le temps joue pour ces jeunes gens. En attendant, sur le sable, jeunes gens et jeunes filles se regardent, se jaugent, se sourient.