Elu sous les sifflets, Peter Kurer s’en va sous les huées.
PAR CHRISTIAN CAMPICHE
Ils avaient raison, les trublions de l’assemblée des actionnaires du mois d’avril 2008 qui contestaient le profil de l’ex-juriste en chef d’UBS. Il n’aurait jamais fallu élire ce dernier à la tête de la première banque du pays. Mais quelle mouche avait piqué à l’époque le conseil d’administration d’UBS? Se peut-il qu’un choix véritable n’existait pas, dans la mesure où nul ne voulait jouer au kamikaze en succédant à Marcel Ospel?
Aujourd’hui ces mêmes administrateurs semblent avoir retrouvé à tout le moins un minimum de crédibilité. Difficile, sans être une mouche et participer aux séances, de savoir comment la décision de proposer Kaspar Villiger a été prise. Mais on peut imaginer que le climat a été orageux, ces dernières semaines, au sein de l’organe où se prennent les options stratégiques d’UBS. Face à la pression américaine sur le secret bancaire, les signaux en provenance de Berne ont dû être insistants.
Comme Oswald Grübel, il y a quelques jours, Kaspar Villiger a dû réfléchir longuement avant d’accepter sa candidature. L’ancien président de la Confédération a demandé des assurances. Cela veut dire probablement que la mission confiée au nouveau duo de capitaines par le lobby radical, le parti de M. Villiger, est parfaitement ciblée et hiérarchisée.
Priorité numéro un: sauver le secret bancaire ou ce qu’il en reste. Et, pour y parvenir, tendre la main aux faiseurs d’opinion américains échaudés par l’affaire de fraude fiscale qui entache la réputation de la finance helvétique. Au moins s’il se rend aux Etats-Unis, Kaspar Villiger ne sera pas arrêté comme un vulgaire malfaiteur, un risque que courait son prédécesseur. En effet, «M. Vélo-Cigare» n’est pas un inconnu outre-Atlantique où l’on se souvient peut-être qu’il a présenté des excuses au nom de la Suisse pour le tampon J apposé sur le passeport des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale.
Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Kaspar Villiger avait déjà désamorcé une crise du secret bancaire, un principe auquel on le dit sincèrement attaché. Un nouveau succès aujourd’hui comblerait bien sûr ses mandants radicaux. Et laisserait la voie libre à la priorité numéro deux: le sauvetage à proprement parler d’UBS. Pour autant qu’il ne soit pas déjà trop tard…
Commentaire paru dans « La Liberté » du 5 mars 2009
Notre ministre des finances Hans-Rudolf Merz veut analyser la décision du gouvernement liechtensteinois de se plier aux standards de l’OCDE en matière de fiscalité. Interrogé par la TSR, le président de la Confédération a juste admis que « la situation pourrait désormais être plus difficile pour la Suisse ».
Le secret bancaire suisse a été ancré dans la loi en 1934 sous sa forme actuelle, afin de protéger les avoirs étrangers en Suisse de la mainmise abusive (par politique de taux de change confiscatoire) par les dictatures européennes à cette époque dans la version officielle. Subsidiairement, l’on visait à empêcher la France de poursuivre ses citoyens pour évasion fiscale sur le territoire suisse.)
Tout comme le concept de la neutralité armée et absolue a évolué depuis les années 1930 vers une neutralité coopérative depuis les années 1990, le secret bancaire doit évoluer et s’adapter aux exigences d’une nouvelle époque.
L’OECD et d’autres sources estiment que 11 billions (onze billions !) de dollars pourraient être parqués dans des «paradis fiscaux ». La Suisse gère 3.5 billions de francs de fonds étrangers – elle n’est donc de loin pas la première place d’évasion ou de fraude fiscale. Il est urgent de le faire savoir par une action politique ferme !
Le changement d’époque que produit la crise exige une action rapide, proactive et intelligente de la Suisse pour préserver sa place financière et le secret bancaire.
Si nous voulons éviter la liste noire du G20 ou un échange automatique d’information sur les comptes bancaires de notre pays et préserver la sphère privée de tous les clients de nos banques, il est impératif de mettre hors la loi un modèle d’affaires d’l’assistance à l’évasion fiscale internationale et suisse