Il remue ciel et terre pour que l’ouvrier blessé obtienne l’AI


Cela fait bientôt cinq ans qu’il remue ciel et terre pour aider un ouvrier italien de 61 ans à bénéficier partiellement de l’assurance-invalidité. En 2004, Roger Manser, administrateur de société et retraité à Grône (VS), rencontre Nicandro Virgilio, chauffagiste napolitain, dans la Clinique de réhabilitation de la Suva à Sion (lire également www.lameduse.ch du 21 mars 2008. Il s’émeut de son sort. Victime d’un grave accident de travail sur un chantier (chute dans une fosse à déchets non sécurisée), M. Virgilio, établi depuis 35 ans en Suisse, n’a pas reçu à ce jour un sou de dédommagement de la part de son employeur, un grand groupe de la distribution.

Cette société s’abrite derrière un rapport du médecin conseil de l’assurance-invalidité, affirmant que l’intéressé est apte au travail. Pourtant plusieurs rapports d’autres spécialistes, dont le médecin qui a opéré l’accidenté en mai 2004 au CHUV, contredisent formellement la version de l’AI: M. Virgilio ne peut pas déployer une activité supérieure à 50%. A ses douleurs corporelles, s’ajoute une grave dépression due à la lenteur de procédures engagées.
Des lettres sans réponse
Devant une situation qui s’éternise, Roger Manser redoute que son protégé commette un suicide. C’est pour cela qu’il a mandaté deux avocats lausannois pour accélérer les démarches. Entre-temps, il a ameuté plusieurs politiciens et même un conseiller fédéral. On ne compte plus ses lettres mais la plupart du temps, il n’a pas reçu de réponse, même si un parlementaire bien connu parle d’introduire une proposition au Conseil national.
La société traite vite de fous ceux dont les manières ne sont pas conformes au système. Et Roger Manser appartient à cette catégorie de personnes qui ne s’embarrassent pas de circonvolutions verbales quand les injustices les froissent. Ils vont droit au but.
A la fin des années nonante déjà, Roger Manser s’était démené comme un beau diable pour arracher une famille russe aux griffes des fonctionnaires helvétiques. «Si l’on ne s’appelle pas Kortschnoï et que l’on n’est pas un champion d’échecs, on a toutes les chances d’être refoulé», commente-t-il. C’est ce qui a failli arriver à un Moscovite et à sa famille.
La Suisse pour l’expulsion
Lui, ingénieur civil de formation, avait eu un grave accident alors qu’il travaillait comme ouvrier dans le tunnel de la Riponne, à Lausanne. «Il avait le statut de réfugié politique mais pas sa femme et ses deux filles. La Suisse voulant les expulser, je les ai emmenés dare-dare à l’ambassade du Canada qui les a accueillis très chaleureusement et leur a donné sans problème quatre visas d’émigration. J’ai payé leur voyage. Aujourd’hui, ils sont bien intégrés au Canada où, après quatre ans, tous les membres sont devenus citoyens de ce pays.»
Rebelote en 2001. Manser prend alors la défense de deux enfants siciliens de 14 et 15 ans qui ont perdu leur mère en Sicile. Leur père les a envoyés chez sa belle-sœur en Suisse où les autorités les ont menacés de renvoi. «On a fait appel à Berne et on a gagné.» Son dernier combat en date, il le mène en faveur d’une jeune Pakistanaise dont Roger Manser se porte garant de l’intégrité morale et qui doit subir un traitement médical dans la région genevoise. Une demande a été faite en septembre 2008 au Département fédéral des affaires étrangères.
Ce qui motive Roger Manser à faire le Robin des bois? «C’est toujours un peu le hasard», explique le jeune septuagénaire. Le hasard qui semble aussi guider ce fils d’un père appenzellois et d’une mère tchèque, dans sa trajectoire professionnelle. Roger Manser a fait un apprentissage de commerce chez un brodeur saint-gallois avant d’entrer comme employé de banque à l’UBS, à Zurich.
Après un séjour de quelques années à Londres, où il s’exerce au métier de traducteur dans une entreprise de métaux non-ferreux, il est engagé chez Castolin à Saint-Sulpice comme chef d’exportation de produits de soudure. Puis, à partir de 1970 – il a fondé une famille entre-temps – on le voit diriger une société financière lausannoise, la Finvest SA appartenant à un armateur grec. La maison-mère ayant fait faillite au Pirée, il devient l’adjoint du chef de service à la Santé publique vaudoise avant de rejoindre, en 1974, l’Union laitière vaudoise, l’ancienne Yoplait puis Orlait, dont il est le directeur commercial.
En 1988, il crée sa propre entreprise, Romacom, active dans les conseils financiers. Partout, les certificats sont flatteurs. Castolin vante ainsi ses qualités de négociateur, «son sens de l’initiative et son doigté qui lui ont permis de développer à satisfaction des transactions importantes sur un marché international très concurrentiel».
La fin du calvaire
On le voit, l’homme n’a rien du premier farfelu venu, ce qui amène à s’interroger sur les blocages émanant d’institutions qui, pour reprendre les termes de Roger Manser, «travaillent de manière inhumaine. Elles comptent sur l’inaction de personnes qui ne savent pas ou n’ont pas les moyens de se défendre». Reste que les choses pourraient bouger enfin dans l’affaire de M. Virgilio, permettant d’entrevoir la fin du calvaire pour l’ouvrier italien. «Un premier jugement au tribunal est attendu d’ici à l’été», annonce Roger Manser, un personnage qui parsème sa correspondance de citations, et dont l’un des proverbes préférés est indien: «Une conscience coupable est un ennemi vivant.»

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