“Les PME ont été plus raisonnables que les grandes banques”*


Roland Canonica est un spécialiste de PME dont le ton tranche avec la sinistrose ambiante. Le directeur régional de la Banque WIR Lausanne travaille dans un immeuble sous-gare, au milieu de logements à loyer modéré. Pas de quoi reprocher à cette institution des dépenses somptuaires à la Marcel Ospel. “Notre vocation étant le service à la PME, nos coûts de fonctionnement sont modestes”, précise le responsable de l’unique antenne romande de la banque coopérative créée au coeur de la tourmente financière de l’entre-deux guerres et dont le siège est aujourd’hui à Bâle.

Dans une étude publiée récemment, l’UBS souligne une sensible déterioration du climat des affaires des PME au premier trimestre. Vous confirmez?
En partie, seulement. Cela dépend des secteurs d’activité. La construction, par exemple, n’est pas encore touchée. Au contraire, certains patrons se plaignent qu’ils ont trop de travail. En revanche, le commerce de détail souffre. Cela dit, je trouve l’UBS très pessimiste. Selon elle, il n’y a aucune amélioration à attendre en ce deuxième trimestre or je constate un changement depuis deux ou trois semaines. La Bourse aidant, un certain optimisme revient. Je pense que le sentiment de l’UBS dépend surtout sur l’échantillon des PME sondées, des grandes entreprises tournées vers l’exportation.

Par quoi se concrétise ce relatif optimisme?
Par ce que me disent les entrepreneurs. Il est rare de rencontrer des patrons de PME vraiment défaitistes. Ils redoutent certes les difficultés mais pas au point de faire preuve d’une véritable inquiétude. Les PME qui travaillent pour le marché intérieur ne souffrent pas véritablement. Un patron dans la restauration me disait l’autre jour: “des crises, on en a connu d’autres et on s’en est toujours sorti. Il n’y a pas de raison que l’on ne s’en sorte pas cette fois aussi”…

Les PME n’ont pas besoin de liquidités?
Pas encore. La Suisse n’étant pas encore véritablement entrée dans la crise, elles trouvent d’autres solutions pour l’instant. Disons surtout qu’elles renvoient tout gros investissement à des jours meilleurs. Il y a une situation d’attentisme tant du côté du consommateur que de l’investisseur.

Les banques ne sont dont pas à sec comme on se l’imagine?
Non, elles ont de l’argent. Ce qui a changé, ce sont les réponses aux exigences. Les entreprises ont plus de peine à les remplir. D’où les 100 millions que la Banque WIR va placer dans le circuit des PME pour relancer la machine (lire encadré). Vous savez, la Banque WIR a été créée en 1934, nous savons ce que la crise veut dire. Nous constatons que tout le monde est figé, dans l’expectative. L’argent que nous investissons doit servir de lubrifiant au coeur de l’économie.

Mais alors pourquoi tout ce cirque, l’an dernier, toutes ces banques qu’il a fallu sauver à coups de milliards du contribuable?
Les banques ne se prêtaient plus entre elles, là était le problème. Les PME sont plus raisonnables. En période de difficulté, elles diminuent leur chiffre d’affaires mais n’ont pas forcément un problème de liquidités.

Donc tout va bien, globalement?
Disons que s’il n’y a pas encore de crise, le ralentissement est réel. Les patrons liquident les stocks, ils veulent moins produire. Le danger est qu’en cas de redémarrage de l’économie, on aboutisse à une situation de surchauffe. Dommage que le système financier ait donné un coup de frein, l’automne dernier.

Les grandes banques sont donc coupables?
Une chose est sûre, l’économie réelle n’était pas directement responsable du désastre. Or que voit-on? C’est elle qui ramasse les coups, aujourd’hui…

Il ne fallait pas sauver l’UBS…?
L’UBS, ce sont des dizaines de milliers d’emplois, l’irrigation du système économique suisse. Une carte de visite du pays aussi. Liquider l’UBS, c’est comme supprimer le chocolat suisse.

*Interview parue dans “La Liberté” du 28 mai 2009

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