«Le chalet de la Sisounette ne doit pas être transformé en résidence secondaire.» Après Luc Recordon, c’est au tour de Pro Natura Vaud de s’opposer à la demande de permis de construire déposée par Marcel Ospel à Rougemont. Mais contrairement au conseiller aux Etats vaudois qui s’exprime de manière spontanée, Pro Natura a pris la plume de manière très officielle pour intervenir dans le cadre de l’enquête publique ouverte en mai dernier par la municipalité de la station du Pays-d’Enhaut.
«L’endroit est à l’intérieur du périmètre de l’Inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels d’importance nationale (IFP). Nous considérons que le projet de rénovation d’un ancien chalet au-dessus de Rougemont n’est pas compatible avec le statut de protection de l’IFP et la sauvegarde d’un paysage d’importance nationale. Façonnée au cours des siècles par l’agriculture, la zone abrite plusieurs bas-marais d’importance nationale», écrivent Philippe Morier Genoud et Michel Bongard, respectivement vice-président et secrétaire exécutif de Pro Natura Vaud, dans une lettre adressée à la Municipalité de Rougemont et datée du 15 mai 2009.
L’association de protection du paysage s’inquiète également du projet d’installation de places de parc en un lieu interdit aux résidences secondaires. «Actuellement, le chemin qui permet de monter à l’alpage depuis la route agricole de La Manche longe un cours d’eau non corrigé. A peine carrossable, le chemin n’est pas stabilisé. (…) Il n’est pas souhaitable que La Manche soit rendue accessible aux véhicules en hiver pour d’autres motifs que ceux liés aux activités agricoles.»
La personnalité de Marcel Ospel joue-t-elle un rôle dans cette montée aux barricades? Non, assure Michel Bongard. Lequel concède que la demande formulée par l’ancien patron de l’UBS et surtout la dérogation accordée à l’achat d’un terrain de 58 000 m2 en zone agricole a de quoi intriguer. Elle tranche avec les dossiers habituellement déposés dans cette région de Suisse. «Dans les Préalpes, ce n’est pas chose courante. Heureusement!».
L’opposition de Pro Natura devra passer par différents services de l’administration vaudoise, dont certains seront amenés à effectuer une «pesée d’intérêts». Dans cette perspective, le verdict du Service de la conservation de la nature est particulièrement attendu. Mais son chef, Philippe Gmür, précise d’emblée que «le fait que cela concerne M. Ospel ne joue aucun rôle», avant d’ajouter que son préavis tombera «très rapidement».
Les choses paraissent plutôt bien se présenter pour l’ancien patron de l’UBS même si la commune de Rougemont pourrait théoriquement, dans un second temps, décider de contredire l’administration. Dans l’hypothèse d’une opposition de la municipalité, un recours de droit administratif serait possible et, à ce niveau également, Marcel Ospel serait bien placé pour avoir gain de cause.
De l’avis d’un connaisseur des rouages de l’administration vaudoise, ces oppositions interviennent trop tard. «Il aurait fallu agir au niveau de la Commission foncière 1, pas des autorisations de construire», estime Raymond Rossel, un consultant de Villars-Tiercelin spécialisé notamment dans les questions d’aménagement du territoire. Car c’est cette commission, qui doit rapporter sur toutes les ventes de terrains agricoles, dont l’avis est essentiel. Elle fixe en particulier un «prix licite maximum» sur la base du prix moyen des cinq dernières années.
A cet égard, le prix de 225 000 francs qu’aurait payé Marcel Ospel paraît plutôt bas à Raymond Rossel qui relativise toutefois la règle indicative selon laquelle la valeur vénale d’un bien immobilier équivaudrait au double de l’estimation fiscale. Celle de la Sisounette étant fixée à 168 000 francs, cela ferait pas loin de 350 000 francs. Mais le prix peut être justifié par d’autres considérations, notamment le mauvais état du chalet, donc précisément par la perspective de menus travaux…
*Article paru dans “La Liberté” du 13 juin 2009