Ces hypothétiques cercueils aériens


Rien de plus effroyable qu’un accident aérien. Ce sont des centaines de passagers qui sont tués sur le champ. Les avions sont le moteur de la mondialisation économique. Ils permettent de ralier facilement les points les plus éloignés de la planète. Le plus impressionnant, quand se produit une tragédie aérienne: on ne voit pas mourir les victimes, comme si elles étaient confisquées à leur famille par la fatalité ou par des erreurs, ou encore par des négligences. Un avion, c’est une “machine” prodigieuse, magique (comment expliquer que l’on puisse faire tenir en équilibre un tel objet bien plus lourd que l’air?); c’est aussi le mélange, potentiellement explosif, de ces éléments antinomiques que sont le feu et l’air.

La perspective de voyager en avion en traumatise plus d’un, à commencer par l’auteur de cet article. D’ailleurs, 10 % des passagers en général sont atteints d’une telle phobie. Je trouve que confier sa vie, son destin au plus pur des hasards (car tous les appareils, hélas, ne touchent par à leur but) et à tant de technologie intégrée, c’est une folie, voire une inconséquence. Surtout que les compagnies aéronautiques incarnent les dévoiements d’un capitalisme sauvage basé sur la rentabilité. Des entreprises peu transparentes qui souvent se moquent de leurs clients, ne les informent presque jamais de ce qui se passe à bord et mentent sur la qualité du produit. Car les transporteurs aériens devraient avoir l’obligation de communiquer aux passagers certains paramètres, notamment la date à laquelle l’appareil été révisé pour la dernière fois, les équipements améliorés voire substitués.

Je me souviens d’une interview d’un directeur d’Air France faite en 2000, publiée par le journal “Le Nouveau Franc-Parler”. Selon Francis Richard, “les avions sont désormais conçus pour voler sans interruption d’un point à un autre de la planète, toute immobilisation prolongée coûtant cher aux compagnies”. Autrement dit, on tire sur la corde…

Ce dimanche-là, à Rio, l’Airbus aux couleurs d’Air France a décollé à 19 h 30, heure de Rio, alors que le commandant avait appris bien avant qu’une tempête d’une intensité exceptionnelle se préparait tout au Nord du territoire brésilien, dans une aire réputée instable, parmi les plus dangereuses pour la navigation aérienne. Pourquoi, dans un tel cas, une compagnie d’aviation n’annule-t-elle pas ses vols plutôt que d’exposer des centaines d’innocents à une véritable boucherie? Si certains passagers avaient su ce qui se préparaient tout là-haut, peut-être auraient ils échappé au pire en acceptant de prendre un avion le lendemain, le surlendemain, quand la colère céleste se serait atténuée. Mais dans un monde où l’argent et la technologie sont encensés, où les craintes et l’éthique sont considérées pitoyables et synonyme d’entrave au progrès, il faut foncer à tout prix vers le danger, quel que soit le prix humain à payer, parce que marquer une pause, ce serait porter atteinte au Dieu Rentabilité. Ce serait imposer un crash bien plus grand à un système fondé sur la Raison du plus rentable.

Peu importe les vies à bord, les possibles dégâts après coup: il faut foncer parce que tout recul serait admettre que dans certaines situation, le raisonnable est l’attitude la plus souhaitable.

Tout aussi choquant: trois jours après ce retentissant crash aérien, les informations se sont mises à fuser au sujet de défauts et lacunes à bord d’un grand nombre d’Airbus en fonctionnement. Le consortium aérien franco-européen a connu une envolée spectaculaire en mettant sur le marché des appareils dont le pilotage est dominé par l’informatique la plus exacerbée. Comme le faisait observer l’Estado de S. Paulo dans son édition du samedi 6 juin, “les Boeing sont conçus par des pilotes alors que les Airbus sont conçus par des ingénieurs”.

Ne nous voilons pas la face: le concept Airbus semble avoir d’énormes failles et ses avions présentent des dangers potentiels bien plus importants que le concurrent Boeing. Un journal publié à São Paulo, “L’Estado”, a obtenu une étude de l’Agence européenne de la Sécurité aérienne (organisme lié à la Communauté européenne) qui fait valoir l’inquiétante réalité suivante. D’abord, il convient d’observer que près de 19.000 Boeing volent actuellement, contre près de 4.000 pour Airbus. L’Agence s’emploie a attirer l’attention des pouvoirs publics, des compagnies aériennes, des industries et bien sûr des passagers sur les défauts de fabrication et de maintenance des appareils.

Rien que pour les mois de la présente année écoulée, voici des chiffres révélateurs: en moyenne, chaque lot de mille Airbus passés en revue par l’Agence comportait 9,6 problèmes techniques et de maintenance, contre 1,4 pour chaque lot de mille Boeing.

Parmi les anomalies observées sur les avions de la famille A330 / A340: fissures dans la coque externe; dysfonctionnement des système électriques et électroniques; problèmes quant au système de contrôle des incendies; mauvais état de conservation des tuyaux alimentant les turbines en kérosène; défaillances des trains d’atterrissage; etc.

Conclusion: et si les voyageurs qui le peuvent commençaient à boycotter les vols à bord d’avions fabriqués par Airbus, obligeant ce constructeur aéronautique et les transporteurs aériens à prendre les mesures qui s’imposent?

*Journaliste indépendant, Sao Paolo

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