Rarement autant de mots auront été aussi futiles. Le récent sommet de Copenhague voulait sauver la banquise ou ce qu’il en reste. Freiner la mort des glaciers. Empêcher l’extinction de nombreuses espèces animales, voire celle de l’homo dit sapiens tout court. Les gouvernants ont mis au ban des nations les émissions de gaz à effet de serre mais ils n’ont pas dit comment y parvenir. C’est malin.
Avaient-ils vraiment la volonté pour le faire? Prendre le train, à l’image de M. Leuenberger, n’est pas forcément un gage de sincérité et ne garantit pas la cohérence dans les actes. Dans la capitale danoise, le ministre de l’Energie a fait miroiter des millions pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais son premier geste, à son retour en Suisse, aura été de cautionner la décision de lever la limitation dans le temps de l’exploitation de la centrale de Mühleberg. Un geste foncièrement contraire à l’éthique environnementale – le problème des déchets ne trouve pas de solution durable – au surplus antidémocratique puisqu’il fait fi d’un vote populaire. Les Vaudois n’ont-ils pas refusé le maintien ad aeternam de la guimbarde nucléaire bernoise?
Peu probable qu’au sein du Conseil fédéral, la pronucléaire Doris Leuthard l’ait désavoué. A se demander s’il n’eût pas été plus provocant, plus intéressant surtout, d’envoyer à Copenhague la ministre de l’Economie, connue pour son franc-parler. Zélée ambassadrice de l’industrie d’exportation helvétique – les paysans en savent quelque chose – Mme Leuthard n’a jamais pris de gants pour villipender ceux qui s’opposent à l’OMC. Mais l’élue à la présidence de la Confédération a au moins le mérite de ne pas jouer un double jeu et sa présence à Copenhague aurait peut-être placé un représentant gouvernemental en face des contradictions qui ont coulé la banquise.
Les délégations présentes à Copenhague ont-elles pu croire un seul instant qu’il suffisait de promulguer des décrets étatiques pour régler le problème climatique? La pièce jouée aux pieds de la Petite Sirène est un scandale et un affront fait à l’intelligence. Comment ignorer la réalité de rapports de force dans lesquels les politiciens ont la part congrue.
Les véritables décideurs sont les pollueurs, ces industries qui entretiennent une logique de croissance. Leur logique est de fabriquer toujours davantage, pour le plus grand nombre de clients. Une équation bénéfique en termes d’emplois mais pas forcément compatible avec la préservation des ressources naturelles. Les pollueurs sont aussi les plus de six milliards de consommateurs, réels et potentiels, qui vivent sur notre bonne vieille Terre. La surpopulation fait peur aux démographes et aux spécialistes de la santé mais elle n’est pas l’ennemie des lobbyistes de l’automobile, du nucléaire, des antidépresseurs et des vaccins contre la grippe.
Nul doute que dans son discours du Nouvel-An, la présidente de la Confédération s’efforcera de galvaniser l’esprit de résistance face à la crise. Un état d’esprit qui aboutit à consommer toujours plus. Et tant pis si les ressources s’épuisent. Comme disait Louis le quinzième, roi de France: «Après moi, le déluge!»…
Article paru dans “La Liberté” du 24 décembre 2009