« Jan Karski », un livre du romancier Yannick Haenel, provoque la polémique en France. Haenel raconte le voyage aux Etats-Unis d’un héros de la résistance polonaise, Jan Karski, et la rencontre de ce dernier avec Roosevelt, le 28 juillet 1943. Karski relate le martyre des juifs d’Europe et leur élimination programmée. Mais son récit se heurte à une incrédulité polie de la part de certains membres du gouvernement Américain.
L’ouvrage de Haenel provoque le courroux de l’auteur de « Shoah », Claude Lanzmann. Dans l’hedomadaire « Marianne », le cinéaste accuse Haenel d’avoir falsifié l’histoire en interprétant de manière fantaisiste une séquence de son film, consacrée au témoignage de Karski. Puis, dans « Le Point » du 4 février 2010, c’est au tour de Kazimierz Pawelek, président de l’Association des amis de Jan Karski, de s’insurger à son tour contre le roman de Haenel, qualifié de « fiction aux motifs obscurs ».
Ce n’est pourtant pas la première fois que des acteurs de l’époque font état d’une réticence de la part des autorités américaines à intervenir en Europe par des actions ciblées pendant la guerre, notamment pour soutenir la résistance en Allemagne. En témoigne la mission d’un Suisse, Philippe Mottu, que le soussigné a rencontré en 2004. En 1944, cet agent helvétique s’est rendu secrètement aux Etats-Unis pour avertir le gouvernement américain de l’imminence d’un attentat contre Hitler. Le président Roosevelt n’a pas levé le petit doigt pour aider les conjurés.
L’article que nous publions ci-dessous est repris de « La Liberté » du 4 juin 2004
Sur le moment Mottu ne prête pas grande attention à ces propos. Mais en été 40, l’armée nazie envahit la France, la Suisse mobilise et Mottu se voit affecté à la division Armée et foyer, une sorte d’office de la propagande destiné à renforcer le moral de la troupe et de la population. Basé à Berne, il se retrouve en compagnie de l’écrivain neuchâtelois Denis de Rougemont qui connaîtra bientôt l’exil aux Etats-Unis. Or le hasard veut que l’un des représentants de l’Allemagne à Berne n’est autre qu’un certain… Herbert Blankenhorn. Se souvenant de l’anecdote romaine, Mottu propose à son chef, le colonel Frey, de rencontrer ce personnage énigmatique.
Etoile montante du Ministère allemand des affaires étrangères, ce dernier se fait d’abord un peu prier avant d’accepter: «Vous seriez libre le week-end prochain, M. Mottu? Que diriez-vous d’une promenade?»
«J’ai découvert alors qu’il faisait partie de la résistance allemande», raconteMottu. «Il ne parlait jamais d’Hitler mais de son patron, Ribbentrop. Il développait trois idées, autant de raisons qui lui faisaient penser que l’Allemagne allait perdre la guerre. La première était que l’Angleterre résisterait jusqu’au bout. La deuxième se basait sur la conviction qu’Hitler attaquerait la Russie avant de s’y enliser. La troisième enfin prévoyait l’entrée des Etats-Unis dans la guerre. Il développait tout cela avec une clarté limpide. Mon colonel n’en croyait pas ses oreilles».
En novembre 1942, Philippe Mottu obtient un permis de transit pour se rendre à Berlin. «C’était en pleine guerre de Finlande. Ma venue n’avait rien de très officiel, je suis resté quelques jours dans la capitale allemande où j’ai fait la connaissance du cerveau de l’opposition à Hitler dans les rangs diplomatiques, Hans Bernt von Haeften. Il dirigeait la section culturelle à la Wilhelmstrasse où il était le pendant des comploteurs appartenant au camp des militaires, Klaus Schenk Graf von Stauffenberg et Ludwig Beck. Ex-commandant en chef de l’armée allemande, ce dernier avait démissionné en 1938, en protestation contre l’invasion de la Tchécoslovaquie».
Le temps passe jusqu’en juin 1944. Mottu est alors invité à participer à un meeting démocrate aux Etats-Unis où Roosevelt s’apprête à conquérir un quatrième mandat présidentiel malgré un état de santé déficient. «Le voyage était risqué. J’en ai parlé à Trott qui m’a assuré qu’il ferait tout son possible pour me faciliter le déplacement jusqu’à Lisbonne. J’ai obtenu en effet un laissez-passer allemand avant d’être pris en charge par les services d’Alan Dulles, chef du contre-espionnage américain. Trott voulait que je communique les noms de la douzaine d’hommes qui complotaient contre Hitler. Comme il était trop dangereux de les inscrire sur du papier, je les ai appris par coeur».
«La presse américaine n’en a fait état qu’en tout petits caractères. Cette attitude reflétait l’état d’esprit de Roosevelt qui n’a jamais voulu aider la résistance allemande. Pourtant il en avait les moyens. Alan Dulles disposait d’un réseau de 7000 agents en Europe. Le problème était que le président américain jouait un double jeu avec Staline. Il se peut aussi que les agents d’Hitler, très actifs en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, aient conditionné le processus de décision à Londres et Washington.
En tout état de cause j’étais bouleversé car le plan d’action élaboré par Trott et Haeften était remarquable. Et puis je m’étais profondément lié à Trott. Sa mort effrayante – son cadavre a été suspendu à des crocs de boucher – me hante toujours».
Mais de tous les attentats contre Hitler, le plus spectaculaire est certainement celui du 20 juillet 1944. Baptisé «Opération Walkyrie», il met en scène de nombreux représentants de la noblesse allemande attachée à son honneur. L’idée des conjurés est de faire la paix avec les Anglo-Américains tout en continuant la guerre contre l’Union soviétique. La conspiration réunit une constellation de politiciens, diplomates, officiers, voire hommes d’Eglise. Parmi eux, le maire de Leipzig Gordeler, les généraux Beck, Olbricht, Henning von Tresckow, Fellgiebel, Wagner, les diplomates von Trott, von der Schulenburg et von Hassell, le pasteur Dietrich Bonhoeffer, le jésuite Alfred Delp, le politicien social-démocrate Julius Leber, le jeune comte Helmuth James von Moltke. Rommel, une fois de plus, est au courant, raconte-t-on. De même que le ponte du contre-espionnage Canaris.
Il ne voit pas que la valise dérange un militaire et que celui-ci la déplace derrière un panneau. Protégé par la table, Hitler n’est que légèrement blessé par la déflagration.
L’Allemagne subira la folie de son chef pendant de longs mois encore. Avant la prise finale par les Soviétiques du bunker d’Hitler à Berlin, il lui faudra subir notamment le bombardement de Dresde au cours duquel 100 000 habitants perdirent la vie. Le carnage touchera également des enfants et des vieillards, enrôlés de force.
Bonsoir.
Vous oubliez quelques pièces dans votre enquête il me semble.
La première :
http://stalker.hautetfort.com/archive/2009/10/05/jan-karski-de-yannick-haenel-ou-le-faux-temoignage.html
Une autre ici, la deuxième :
http://stalker.hautetfort.com/archive/2010/01/23/saint-germain-des-pres-sur-cadavres.html
La dernière là :
http://stalker.hautetfort.com/archive/2010/01/27/bons-baisers-de-pologne-yannick-haenel.html
Cordialement.