Chaque jour, la facture s’alourdit pour BP suite à la marée noire. Même la Russie s’inquiète pour la compagnie britannique, très active sur son sol.
PAR CHRISTIAN CAMPICHE
BP survivra-t-elle à la catastrophe provoquée par l’explosion de sa plate-forme dans le golfe du Mexique? «La nature des responsabilités est telle qu’elle pourrait détruire qui que ce soit», a déclaré avant-hier le premier ministre russe Dmitri Medvedev, inquiet pour l’avenir d’une compagnie qui extrait le quart du pétrole de son pays.
Il est de fait que chaque jour, la facture s’alourdit pour BP. Le 24 avril dernier, quatre jours après l’accident, on estimait à 760 millions de dollars le coût des travaux d’endiguement de la fuite de pétrole des puits offshore. Le 12 mai, la facture s’élevait déjà à 2,5 milliards, comprenant cette fois les dommages et intérêts destinés aux victimes, pêcheurs et professionnels du tourisme. Aujourd’hui la somme initiale se voit centuplée par certains analystes qui, à l’instar de Michael Shedlock de la firme d’investissements Sitka Pacifique, évoquent un montant de 100, voire 500 milliards de dollars.
Des reins très solides
De leur côté, trois analystes d’UBS, Jon Rigby, Anish Kapadia et Caroline Hickson passent BP au scanner dans une étude datée du 25 mai. Et concluent que le groupe pétrolier devra passer à la caisse à hauteur de 12 milliards de dollars, au moins. Un montant qui, en d’autres temps, d’autres lieux, aurait entraîné la faillite pure et simple d’un géant de l’économie. Le monde pétrolier appartient-il à la caste des indestructibles? Toujours est-il que les spécialistes s’accordent à dire que BP survivra au drame. L’an dernier, la société a dégagé un bénéfice de quelque 20 milliards de dollars. Son cash flow et son bilan lui permettraient de faire face à un montant de 25 milliards.
Les analystes d’UBS s’offrent même le luxe de continuer à recommander le titre BP à l’achat. Avant-hier, l’action avait bénéficié de la nouvelle du succès de l’opération de colmatage et clôturé sur un gain de 6% à la bourse. Mais hier, elle se repliait à nouveau, influencée par des informations relativisant l’efficacité du système mis en place pour endiguer la fuite de pétrole. Selon les spécialistes d’une autre banque helvétique, Credit Suisse, le flot d’or noir déversé dans le golfe du Mexique depuis 37 jours est plus important qu’annoncé par BP initialement.
Responsabilités partagées
BP touché mais loin d’être coulé? Selon les analystes de Sandford Bernstein cités par le portail en ligne «Challenges», la compagnie britannique ne serait pas la seule responsable de la catastrophe. In fine, 40% de la facture sera payée par d’autres entreprises responsables de la plate-forme. «BP, relèvent-ils, n’est actionnaire qu’à 65% du gisement, aux côtés du japonais Mitsui et de l’américain Anadarko. La plate-forme elle-même appartient à la firme zougoise Transocean. Un autre élément susceptible de limiter l’impact financier pour BP est la prise en charge des dépenses, ou d’une partie d’entre elles, par les assureurs. Sans entrer dans les détails (le réassureur n’a pas répondu à nos questions), Swiss Re a déjà évalué à 200 millions de dollars ses propres coûts liés à la marée noire. Incalculable, en revanche, est la perte pour la compagnie en termes d’image. Son PDG, Tony Hayward, en est conscient, lui qui déclare ne plus pouvoir dormir depuis le 24 avril.
Article paru dans « La Liberté » du 29 mai 2010