Le pays où la femme est reine


Par Christian Campiche, retour de Stockholm

La Suède est-il un pays fait par les femmes pour les femmes? Un civisme parfaitement féminin fait que les lieux publics sont préservés des outrages à la propreté. Les mâles n’ont qu’à bien se tenir, sous peine de perdre les faveurs de leur dulcinée parée de leggins noirs ou rose pastel. La beauté des Suédoises n’est pas une légende, leur aplomb non plus. A leurs côtés, les garçons ont l’air de princes consorts.

A propos de princes consorts, revenons sur l’événement qui occupe tous les esprits en cette fin de printemps. Le 19 juin, la princesse Victoria (sur la photo), future reine de Suède, épousera Daniel Westling, propriétaire d’un fitness. Songez que la loi salique a été abrogée pour permettre à la fille aînée du monarque régnant de prendre le pas sur l’homme de la famille, son frère cadet le prince Carl Philipp.

Déambuler actuellement dans les rues joyeuses de Stockholm est un plaisir constant de l’oeil. En prévision des noces, tous les monuments sont fleuris et les armoiries royales fraîchement repeintes d’azur et or, les couleurs nationales. Devant le palais royal, les sentinelles, l’arme pointée vers le touriste curieux, n’ont pas l’air de badiner avec les consignes. Surprise: avec leur visage imberbe, beaucoup ont l’air d’adolescents. Le pays de Bernadotte recruterait-il dans les pouponnières? Doublée d’une approche osée, une observation plus poussée permet d’éclaircir le mystère: il s’agit de jeunes soldates.

En dépit d’un coût de la vie élevé, la Suède reste un pays social où l’on accepte les gens comme ils sont. August Strindberg ne serait pas trop mécontent de ses compatriotes, s’il revenait sur terre. L’écrivain et dramaturge suédois mort en 1912 subit l’exil pour prouver à la bourgeoisie qu’un iconoclaste pouvait imposer sa vision d’une société plus égalitaire. A Paris, Strindberg se fit un nom. Quand il revint, le peuple l’acclama comme un héros.

L’appartement de Stockholm où il vécut ses dernières années est aujourd’hui un musée où l’on peut se procurer un petit livre, “August Strindberg – Un écrivain pour le monde”. Dans le chapitre consacré à la longue errance du créateur de “Mademoiselle Julie”, l’auteur, Björn Meidal, relève que Strindberg partit pour la France “accompagné de sa première épouse, Siri von Essen, de ses filles Karin et Greta, et d’une femme de ménage” dont il précise l’identité: Eva Carlsson. La grandeur d’une nation se mesure aussi à l’intérêt qu’elle porte à la dignité de chacun.

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4 commmentaires à “Le pays où la femme est reine”

  1. Artémis 6 juin 2010 at 12:04 #

    “La grandeur d’une nation se mesure aussi à l’intérêt qu’elle porte à la dignité de chacun”, comme c’est bien dit! Et pourquoi pas “La grandeur des hommes se mesure aussi à l’intérêt qu’ils portent aux valeurs féminines”.

  2. Isti 7 juin 2010 at 12:20 #

    La grande différence, c’est qu’en Suède on parle d’égalité et non de féminisme. La femme ne veut pas ressembler à un homme, mais elle exige les mêmes droits. La conséquence, c’est que l’égalité est partout (salaires, obligations militaires, règles de courtoisie, congés maternité/paternité), mais que les femmes n’en restent pas moins extrêmement féminines et désirées. Mon impression est qu’en Suisse l’égalité pâtit d’un féminisme trop envahissant.

  3. Artémis 8 juin 2010 at 16:17 #

    Je suis bien d’accord, en Suisse, il n’y a malheureusement, ni égalité, ni féminité! La proportion des femmes mariées qui travaillent dans ce pays a longtemps été inférieure à 10%. L’organisation (horaires de travail peu souples, crèches inexistantes, formation se limitant à l’école ménagère, etc.) ne permettait pas aux femmes de devenir des professionnelles à part entière. La plupart des femmes obligées de travailler (familles monoparentales) ne sont pas en mesure de revendiquer l’égalité des salaires et et des chances de promotion sous peine de perdre leur emploi. et le Code des Obligations ne protège pas vraiment ces salariées. Dans le monde du travail j’ai souvent constaté que les valeurs féminines, yin (intuition, imagination) ne sont reconnues que par une minorité d’hommes respectueux de cette diversité. Le modèle anglo-saxon de réussite économique et sociale, largement diffusé depuis plus de 50 ans à travers des films à grande série et les cours de formation en entreprise, met en avant les valeurs essentiellement masculines, yang (agressivité, compétitivité). Le monde du business et du travail est devenu un monde aux allures guerrières. Pas étonnant que les femmes perdent leur féminité! Quel est donc le contexte qui a permis aux Suédoises d’obtenir la reconnaissance de leurs droits tout en restant féminines?

  4. Isti 9 juin 2010 at 12:42 #

    Cette question est très pertinente Artémis. Je pense que le contexte qui a permis aux femmes d’obtenir la reconnaissance de leurs droits tout en restant féminines est avant tout historique. Déjà au temps des vikings, la femme occupait un rôle très actif dans la société, étant donné que les hommes passaient de longs mois à l’étranger. Les rôles étaient peut-être séparés, mais étaient considérés d’égale valeur. Ensuite, le combat pour la reconnaissance des droits de la femmes a commencé bien avant qu’il ne soit même évoqué en Europe plus méridionale. Mais l’émancipation de la femme tient également d’un facteur anthropologique, en ce sens que l’homme a accepté la part féminine en lui. Il suffit d’observer ces groupes d’hommes en ville de Stockholm, visages imberbes, pulls roses, s’occupant de leurs têtes blondes dans des parcs, pour s’en convaincre. A partir du moment où, sans oublier sa part de virilité, l’homme accepte sa part de féminité, la femme n’a plus à la nier, mais peut au-contraire la transcender. Comme vous le dites très bien, une société harmonieuse à besoin soit du yin soit du jang. Voilà une tentative de réponse, même si une telle question mériterait une recherche plus approfondie.

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