Le mouton ne bêle plus


La démocratie, c’est la réponse à tout.

Les USA écrasent l’Irak, l’Otan fait la guerre en Afghanistan, on sanctionne l’Iran, on ne sanctionne pas Israël, tout cela au nom de la démocratie.

J’ai personnellement un  point de vue très simple : la démocratie ne peut fonctionner qu’avec des gens honnêtes. Sinon, c’est un leurre.

Le concept de démocratie a été inventé par les Athéniens d’il y a 2500 ans. Démocratie: « le pouvoir exercé par le peuple ». Belle idée. Il se trouve qu’à Athènes, seul un sixième de la population disposait du statut de citoyen. Ces 15% de démocrates se partageaient donc la démocratie, exerçant le pouvoir sur le reste (esclaves, femmes, étrangers).

Fait-on mieux aujourd’hui ?

A part l’usage incantatoire du terme de « démocratie », utilisé par les puissants pour justifier les politiques les plus injustifiables, le terme approprié pour définir nos systèmes politiques à peu près partout sur Terre, et en tout cas dans les pays dominants, c’est celui de « moneycratie ». Qui a de l’argent est libre. Qui n’en a pas est esclave. Qui a de l’argent fait ce qu’il veut, où il veut, quand il veut. Il peut même souvent contourner les lois. Une amende en argent ne lui coûte rien, par exemple. Qui n’a pas d’argent doit se vendre. Vendre sa force de travail, son corps, ses organes, ses enfants même, selon son degré de pauvreté.

Qui peut le contester ? Aujourd’hui le monde est divisé en deux catégories principales : ceux qui tirent les ficelles, et ceux qui, ma foi, doivent se débrouiller avec la façon dont les ficelles sont tirées.

Dois-je parler du pillage qui s’est installé dans le monde pour me faire comprendre ? Parler des bonus dans les banques et les entreprises, des salaires délirants des managers, sportifs et autres vedettes du système, des faillites monstrueuses faites sur le dos du crétin de la rue qui va devoir éponger les dégâts ?

Maintenant, ce n’est même plus le tiers monde seul qui est écrasé par ce système. C’est dans nos pays du « premier cercle » (pour ceux qui n’ont pas oublié ce que ce sinistre concept veut dire), dans nos pays riches, que les populations sont progressivement mises à genoux. Car enfin: la Grèce, l’Espagne, le Portugal, la Hongrie, font partie de l’ « Union Européenne », deuxième ou troisième « puissance mondiale » du moment. L’Islande était, elle, classée en 2006 au deuxième rang des pays les plus développés du monde. Et nous n’en sommes qu’à la partie visible ou avouée du domino.

Quant aux USA, qu’en dire !?

Des chiffres viennent d’être publiés sur la dette astronomique de ce pays, leader certifié de la démocratie dans le monde. On pourrait parler de cette dette. Qui sont les créanciers ? Puisque tous les pays du monde, même les plus riches, sont endettés de la sorte, on doit bien penser que les créanciers sont des « privés », des individus qui amassent, qui nagent dans le bonheur financier. Sur le dos des collectivités. Pendant que celles-ci souffrent.

Pour les USA, il y a encore : les guerres, les mers et les côtes détruites,  les faillites, les gens mis à la rue par milliers.

En Californie, plusieurs milliers de personnes sont en prison pour une durée de 25 ans ou plus pour des  délits mineurs tels que des petits vols par exemple (médicaments, vélo, roue de secours, gant de base-ball, et ainsi de suite), en vertu d’une loi appelée cyniquement strike three (= à peu près: « je t’élimine » en langage de base ball).

Cette Californie, Etat riche et puissant, véritable El Dorado, où le gouverneur, assailli de pauvreté, vient de demander une coupe de 60% dans les crédits alloués à l’aide aux maladies mentales.

Au 19e siècle, dans une histoire saisissante, quelqu’un a parlé de ce monde coupé en deux. On dirait qu’il a tout vu, tout compris. Peut-être a-t-il cherché dans l’alcool le moyen d’échapper à ses visions lucides.

C’est homme, c’est Edgar Poe.

L’histoire s’appelle « Le Masque de la Mort Rouge ».

Le prince Prospero règne sur un pays frappé par une terrible épidémie de peste, appelée la Mort Rouge, laquelle impitoyablement tue tous ceux qui se trouvent sur son passage. Insensible aux malheurs de la population, Prospero réunit alors autour de lui mille courtisans et décide  de se barricader dans une abbaye pour se protéger de l’épidémie. Il organise une vie de luxe et de plaisirs, alors que dehors, les gens continuent de mourir. Finalement, le prince Prospero et ses courtisans  n’échapperont pas. La Mort Rouge s’invite parmi les convives d’un bal somptueux, enlève son masque rouge, et tous sont frappés et meurent.

« Prospero et ses courtisans résolurent de se barricader contre les impulsions soudaines du désespoir extérieur. L’abbaye fut largement approvisionnée. Le monde extérieur s’arrangerait comme il pourrait. En attendant, c’était folie de s’affliger ou de penser. Le prince avait pourvu à tous les plaisirs possibles. En dedans, il y avait toutes ces belles choses et la sécurité. Au-dehors, la Mort Rouge. »

Lors du bal ultime, un étranger apparaît. Cet étranger se présente sous la forme d’un spectre sanglant.

« Même chez les plus dépravés, chez ceux pour qui la vie et la mort sont un jeu, il y a des choses avec lesquelles on ne peut pas jouer. Toute l’assemblée parut alors sentir profondément le mauvais goût et l’inconvenance de la conduite et du costume de l’étranger.  (…)

On reconnut alors la présence de la Mort Rouge. Elle était venue comme un voleur dans la nuit. Et tous les convives tombèrent un à un, et chacun mourut dans la posture désespérée de sa chute.

Et les Ténèbres, et la Ruine, et la Mort Rouge établirent leur empire illimité sur toutes choses. »

Cette fable est une représentation hallucinante de ce monde coupé en deux que nous vivons. Ce monde gouverné par le club des VIP (et leurs petits serviteurs de par le monde) qui se réunissent à Davos, Copenhague et ailleurs, qui décident du sort du monde et des gens, qui vivent en jets et dans les ghettos de riches, avec des services de protection incroyablement organisés pour se maintenir en dehors de la vie de tous, qui se créent un monde à part coupé du monde, et qui, au fur et à mesure que le système qu’ils servent se lézarde, détruisent l’environnement, polluent les mers et décrètent l’austérité des peuples dans une fuite en avant sans autre issue que la mort de leur monde artificiel.

BERNARD WALTER

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