Une Suisse sans industrie, le rêve des économistes du Crédit Suisse

Contrôler la véracité des prévisions météo est simple: il suffit de sortir de chez soi et l’on voit tout de suite si elles se sont vérifiées ou non. 

PAR DANIEL LAMPART

En effet, s’il peut, il pleut. Quelles qu’aient été les prévisions. Mais en matière d’économie, il est bien plus ardu de contrôler la qualité des prévisions et des analyses. C’est pourquoi beaucoup de manipulations idéologiques sont possibles ici.

Un nouvel exemple de cela est le rapport du Crédit-Suisse sur la « Structure de l’économie suisse de 1998-2010 ». Dans ce rapport, une grande banque essaie d’expliquer que la Suisse peut s’estimer heureuse d’être moins touchée par la crise que d’autres pays. Mais pas un mot sur le fait que ce sont surtout les (grandes) banques qui ont plongé la Suisse, respectivement toute la planète, dans la crise. Pas un mot non plus sur le fait que le produit intérieur brut est toujours plus bas qu’avant l’éclatement de la crise et que le chômage a fortement augmenté. Ce qui est important, ce n’est pas que nous allions mieux ; mais, manifestement, de voir que d’autres vont moins bien. Singulière façon de voir les choses…

Au chapitre sur l’évolution des branches jusqu’en 2020, les banquiers laissent libre cours à leur imagination. À cause de la « persistance du franc fort », la production devra à l’avenir être délocalisée. Mais attention : la force du franc est une conséquence de la crise financière. Dans les rêves des banquiers, la Suisse deviendra toujours plus un site pour la branche financière et pour les holdings. Une seule condition à cela : que les régulations des banques en Suisse « ne s’écartent pas outre mesure de la norme internationale ». Alors, la place financière suisse profiterait des incertitudes qui grèvent la zone euro et les investisseurs placeraient leurs fortunes chez nous. Ce qui maintiendrait bien sûr le franc suisse à un niveau élevé. Dans le scénario rêvé par nos banquiers, à l’avenir, la part du secteur financier au produit intérieur brut de la Suisse ne baisserait pas, mais augmenterait même. La Suisse deviendrait encore plus dépendante des grande banques et des marchés financiers qu’elle ne l’était déjà.

Afin que de tels scénarios catastrophe ne deviennent pas réalité, il faut appliquer une politique monétaire qui combatte la surévaluation du franc. Un cours équitable devrait se situer entre 1,45/1,50 franc pour 1 euro. Mais plus le franc restera surévalué, plus grand sera le risque que des parts de la production soient délocalisées.

Daniel Lampart est économiste en chef à l’USS. Article publié sur son blog, www.uss.ch

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