La nomination de Markus Somm à la tête du quotidien bâlois est chargée de symboles. Un rapprochement avec la «Mittellandzeitung» argovienne est dans l’air.
PAR CHRISTIAN CAMPICHE
La nouvelle ne fait que quelques lignes dans les dépêches d’agence, mais politiquement elle est chargée de symboles. Markus Somm, rédacteur en chef adjoint de la «Weltwoche», hebdomadaire zurichois proche de l’UDC à tendance blochérienne, est le nouveau rédacteur en chef de la «Basler Zeitung» (BaZ). Il remplace avec effet immédiat Matthias Geering.
L’éditeur Martin Wagner a été vite en besogne. Son acolyte Tito Tettamanti aussi. Les deux hommes s’étaient portés acquéreurs du quotidien bâlois en février dernier. Ils avaient racheté la totalité du capital à la famille Hagemann, qui connaissait de graves difficultés de trésorerie. Tettamanti, prédateur tessinois bien connu, avait pris 75% du capital, Wagner, un avocat de Bâle, 25%.
Discours simpliste
Les raisons de ce changement, ajoute juste l’ATS, n’ont pas été révélées. Mais à Zurich, personne ne s’étonne. Depuis le rachat par Tettamanti, Geering était sur un siège éjectable. Dans le bâtiment qui abrite le siège de la «Weltwoche» comme celui du géant allemand Springer, cela fait des semaines que la rumeur courait. On savait que Somm reluquait le poste de Geering. Mais on ne lui donnait pas beaucoup de chances, compte tenu de son pedigree très marqué à droite.
Somm est de tous les coups quand il s’agit de promouvoir des messages typiquement UDC avec un discours souvent très simpliste où tous ses adversaires sont présentés comme d’incurables naïfs. Il critique l’assurance-invalidité, les revendications salariales des femmes, l’égalité des chances à l’école, Bruxelles, les étrangers.
Confident de Blocher
Pourtant cet ancien correspondant parlementaire du «Tages-Anzeiger», quotidien de centre-gauche, n’a pas toujours eu des affinités avec l’UDC. En 2003, il quitte le Tagi pour une année sabbatique aux Etats-Unis et en revient converti aux idées ultraconservatrices. Depuis, il n’a pas perdu son temps. En 2006, il fait l’interface quand Tettamanti vend la «Weltwoche» à Roger Köppel. Il est aussi un confident de Christoph Blocher, dont il a écrit la biographie très autorisée en 2009.
Somm a donc déjoué les pronostics. Justifiant sa nomination, l’éditeur Wanner a déclaré voir en lui «la personne idéale pour redonner un lustre national» à la BaZ. Une manière comme une autre d’anticiper le prochain événement de la presse helvétique? En février dernier, Wanner et Tettamanti avaient créé la surprise en rachetant la BaZ au nez et à la barbe de la NZZ. Ils pourraient très bien ne pas en rester là.
L’enjeu argovien
Sur la carte des entreprises de presse encore indépendantes, la «Mittellandzeitung» semble plus esseulée que jamais. Aux mains du groupe AZ-Medien propriété de l’éditeur Peter Wanner, ce titre argovien perd de l’argent, tiré vers les abîmes par son dominical «Sonntag». Il pourrait donc constituer un objectif de choix pour une cordée menée par Tito Tettamanti et consorts.
On dit Peter Wanner en contact avec d’autres maisons d’édition. Mais une union argovienne et bâloise sous la houlette de la BaZ fait déjà rêver certains stratèges des médias. Avec un tirage de 300 000 exemplaires, la nouvelle entité serait à la fois un porte-voix de la droite et le plus gros quotidien de Suisse. Tout simplement.
Article paru dans “La Liberté” du 31 août 2010