Les femmes au pouvoir oui, mais le pouvoir est ailleurs


PAR MADELEINE JOYE

Les femmes vont-elles dominer le Conseil fédéral de la tête et des épaules ? Possible, quoiqu’on puisse douter de voir le Parlement en élire deux cet automne et porter leur nombre à cinq sur sept “sages”.

Et puis, si cela était ? La Suisse a survécu durant 140 ans sous la férule d’un gouvernement exclusivement mâle; pourquoi ne vivrait-elle pas avec des femmes à la barre ? La difficulté prétendue de celles-ci à travailler en bonne harmonie ? Il est permis de rire : l’ambiance délétère – partant les dysfonctionnements – qui gangrènent aujourd’hui le Conseil fédéral remontent en grande partie à l’époque de Blocher, résultant de son comportement hégémonique et de la farouche résistance – c’est un euphémisme – que lui a opposée Pascal Couchepin. Sans compter l’inimitié entre l’élu UDC et l’autre Zurichois, Moritz Leuenberger. Depuis, chacun des sept membres du collège s’est mis à bricoler dans son coin et à en dire le moins possible aux autres. Par exemple Hans-Rudolf Merz partant tout seul – et à la suprise générale – à l’assaut du potentat libyen. Avec le succès que l’on sait.

Il n’y a pas d’objection, donc, à ce qu’une forte majorité féminine s’installe aux commandes. Toutefois, si cette situation devait se concrétiser, elle pourrait tenir d’une victoire à la Pyrrhus en démontrant l’affaiblissement de la démocratie. Et pas par la faute des femmes, bien sûr. Si les hommes leur font soudain autant de place dans ce qui a été longtemps leur domaine réservé, c’est que la politique a perdu de son intérêt à leurs yeux. Le pouvoir n’y est plus, la société est désormais dirigée par l’économie et la finance. C’est là que sont les plus puissants des lobbies, c’est de là que les orientations politiques sont influencées, c’est là que se trouvent les vrais décideurs. Les marionnettistes à la Bahnhofstrasse, les marionnettes au Palais fédéral. On pourrait aussi parler de maîtres et de laquais. Il suffit, pour s’en convaincre, de voir la façon dont les politiciens se sont inclinés devant les banques pendant et après la crise; ou devant l’industrie pharmaceutique qui a obtenu une protection spéciale – carrément un écran total – face à l’ouverture des frontières aux marchandises (principe du cassis de Dijon). Bizarrement, on ne trouve que très, très peu de femmes dans les allées de ce nouveau pouvoir.

Ainsi, ce qui aurait pu constituer un triomphe du féminisme et de l’égalité entre hommes et femmes aura hélas un arrière-goût de Waterloo démocratique.

Article publié sur www.courant-d-idees.com

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