On connaissait le chorégraphe de la Cie Alias pour son sens du récit, pour l’exploitation de fortes personnalités, pour une mise en scène hyper théâtrale du mouvement contemporain. La recette était bien huilée et quelque peu répétitive peut-être.
Et puis soudain, Botelho créa Sideways Rain (Photo: Jean-Yves Genoud). Et plus rien ne fut comme avant.
Le chorégraphe des sentiments, de l’exclusion, de la psychologie humaine est devenu le magicien d’un mouvement simplissime, sans décor et avec une musique très sobre. Quinze danseurs traversent la scène du Crochetan de gauche à droite. Ils avancent comme des insectes pieds et mains au sol. Et c’est la transe d’un mouvement mille fois répété qui crée soudain des illusions d’optiques : le danseur semble avoir les membres qui adhèrent au sol, on croirait qu’il fait du surplace sur une scène qui recule, tel un bateau géant le Crochetan se met à tanguer…
Un accident rythmique ou un changement de mouvement fait naître petit à petit une autre image, puis une autre et encore une autre : comme un parchemin sur lesquels les corps écrivent de gauche à droite, comme l’histoire de l’évolution des espèces lorsqu’après près de 30 minutes de mouvement en adhérence au sol un danseur soudain se lève, comme des feuilles mortes emportées par un vent d’automne… « Comme la société qui court sans jamais regarder derrière elle », dira cette spectatrice. « Comme une vie au court de laquelle on chute sans que jamais personne ne nous regarde », dira une autre.
Botelho abandonne le théâtre et la concrétude mais le spectateur poursuit son cinéma. Les danseurs ont chacun leur manière d’être corps dans des mouvements si simples que le public les imite en sortant, dansant sous la pluie… On a mille fois le temps de contempler l’expressivité brute et incontrôlée d’une démarche, le changement de sens impliqué par un regard tout juste tourné vers le ciel.
En sculpteur de rythme et d’espace, Botelho signe un spectacle d’une grande finesse sans perdre son extraordinaire lisibilité pour le grand public. Un homme et une femme s’arrêtent et échangent un regard dans un flot ininterrompu de corps. La musique électro se mêle à une chanson sentimentale. C’est la seule réminiscence du chorégraphe théâtral d’hier. On adore l’abstraction de celui d’aujourd’hui !
Guilherme Botelho est un chorégraphe brésilien établi à Genève depuis plus de 20 ans. Ses chorégraphies ont le plus souvent rencontré un succès international mais Sideways Rain emballe littéralement les programmateurs. Plus de la moitié de ceux qui étaient présents au Festival de la Bâtie se sont déclarés intéressés par le spectacle. La tournée qui devrait débuter en février promet d’être belle.
Article publié sur www.valais-mag.ch
Plus d’infos et vidéos : www.alias-cie.com