Chaque année, le magazine américain “Time” publie sa liste des 100 personnalités les plus influentes et fait sa couverture avec la “Personnalité de lʼannée”. En 1927, cʼétait Charles Lindbergh; en 1938, Adolf Hitler; en 1942, Joseph Staline; en 1979, lʼayatollah Khomeini. Tout le monde peut se tromper! Lʼan dernier, cʼest Bern Bernanke, le président de la Federal Reserve, qui a décroché le pompon. Cette année, cʼest le leader de lʼopposition en Iran, Mir-Hossein Moussavi, qui lʼemporte. Angela Merkel nʼest que 141e et Dominique Strauss-Kahn 184e. Nicolas Sarkozy ne figure pas dans les 200 personnalités les plus influentes.
La rédaction explique que sa liste ne concerne pas “lʼinfluence du pouvoir, mais le pouvoir dʼinfluence”. Les “gens dʼinfluence” sont classés en quatre catégories: les leaders, les artistes, les penseurs et les héros. Qui choisit? Cʼest un processus complexe: les journalistes de “Time” interrogent par Internet leurs lecteurs et des personnalités du monde politique, universitaire, sportif et du showbizz. Un exercice rituel dʼauto-célébration et de subjectivité, dont les Américains raffolent, qui flatte les égos et provoque un buzz dans les médias du monde entier.
Cette année, Time a demandé à lʼun de ses collaborateurs, Joel Stein, de corser le menu en publiant un essai sur “les personnalités les moins influentes de 2010”. 91187 personnes ont “aimé ça” sur Facebook. Cʼest “Time” pour les nuls! Joel Stein, selon son site Internet, est “le type qui aime la pornographie et hait lʼAmérique”. Il reconnaît quʼ “il cherche désespérément à attirer lʼattention”. Stein nʼest pas vraiment un grand nom du journalisme américain. Cʼest plutôt un touche-à-tout: il a travaillé pour des revues touristiques et pour un célèbre magazine du bien vivre chez soi, il anime des shows télévisés et il publie des essais dans “Time”.
Selon Joel Stein, parmi les losers, ceux qui ont le moins dʼinfluence: lʼémir de Dubaï; Ueli Maurer, le ministre suisse de la Défense,”ce sont justement les domaines dans lesquels la Suisse est totalement nulle”; lʼamiral Luis Aranda, chef des affaires navales de la Bolivie «un pays qui nʼa pas de côtes maritimes»; le virus H1N1 «lʼépidémie la plus nulle depuis la grippe aviaire»; les GPS TomTom devenus inutiles depuis que «tout le monde a cette fonction sur son téléphone» ; Yves Leterme, ex-premier ministre belge à qui Stein accorde volontiers que «la Belgique parle trois langues différentes, mais ce nʼest quand même pas une raison pour échouer à maintenir un pays».
Je vous ai choisi quelques exemples, mais il nʼy a que 19 étrangers sur la liste de “Time”. Comment a fait notre brave et brillant journaliste pour sélectionner ces 100 personnalités sans influence? Il a tout simplement appelé son pote Rick Sanchez, qui anime sur CNN deux heures dʼémission sous le titre: “La liste sur laquelle vous ne voulez pas être”. Et Sanchez lui a donné ce conseil : si quelquʼun dit quelque chose de stupide dans mon émission, il doit être dans ta liste. Chaque semaine, “Time”, créé en 1923, est lu par plus de 3 millions de gens. Son nom signifie Today Information Means Everything – “Aujourdʼhui, lʼinformation signifie tout”. Ainsi va le monde des médias!
