PIERRE KOLB
Surtout si l’on a suivi toute la problématique, majoritaire au Conseil fédéral et aux Chambres, de réplique aux menées xénophobes. Depuis plus de 40 ans, depuis la première initiative Schwarzenbach refusée en 1970, l’autorité fédérale n’a guère fait que singer les propositions anti-étrangères, au motif de faire la part du feu. Résultat, auquel on pouvait tout de même s’attendre: ces diverses gesticulations ont abouti à infléchir en permanence la législation, lois, directives et pratiques, vers les orientations voulues par la droite extrême. Au point qu’il y a deux ans, lors de l’adoption des nouvelles lois fédérales contre les requérants et contre les étrangers, on a cru que le maximum en matière de stigmatisation et d’ostracisme était atteint. Le débat sur la dernière initiative populaire de l’UDC montre qu’il n’en était rien.
Faire la part du feu avec l’UDC, c’est inviter ces gens à mettre de l’huile sur le brasier. Comme un signal qu’ils ont parfaitement compris en lançant l’initiative d’expulsion des criminels étrangers, laquelle s’est présentée comme l’occasion pour Blocher et consorts d’avoir enfin une initiative gagnante. Car jusqu’ici ils ont gagné plusieurs référendums, et ont pris en marche deux initiatives qui se sont révélé victorieuses, l’imprescriptibilité des crimes pédophiles et l’interdiction des minarets. L’objet du 28 novembre a de bonnes chances de passer la rampe, et cette fois, c’est l’UDC qui est l’auteur du projet.
Deux attitudes de la droite à prétentions centristes ont puissamment contribué à cette probable victoire. D’abord l’alignement sur les thèses blochériennes porté à une systématique quasi mécanique. L’initiative et le contreprojet, c’est bonnet blanc, blanc bonnet, à tel point que l’UDC, soucieuse de ne pas laisser le symbole de la victoire lui échapper en faveur de ses pseudo-contradicteurs, a construit sa campagne de dernière ligne droite sur un non au contreprojet asséné avec autant de véhémence que le oui à l’initiative.
La deuxième attitude est celle du passage à l’acte, à savoir l’engagement dans une surenchère des expulsions. Cela donne la sinistre image du ministre vaudois Philippe Leuba, qui s’est senti ces derniers mois pris d’un urgent besoin d’expulser, à l’instar des autorités saint-galloises, le canton de référence en matière de xénophobie institutionnelle. C’est d’ailleurs une autre caractéristique du contreprojet que d’étendre l’inflexibilité saint-galloise à tous les cantons, leur ôtant leur dernière marge de manœuvre. La pseudo opposition à l’UDC aboutit plutôt à une aggravation du fédéralisme disciplinaire instauré ces dernières années.
Face à ce spectacle, vaut-il encore la peine de voter? La tentation de baster est compréhensible, mais sentirait par trop la capitulation. Tout de même, jusqu’à l’heure du verdict, l’espoir d’un double refus est une motivation qui compte. Sans parler d’une éventuelle préférence pour le contreprojet. Les choses en iraient ainsi, la question subsidiaire tranche dans ce sens: priver l’UDC de sa victoire partisane serait un pis-aller appréciable, dans la perspective d’une résistance à plus long terme.
Article repris du site Courant-d’Idées
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