Qui paye quoi


Doris Leuthard n’a pas attendu d’avoir passé cent jours à la tête de son nouveau ministère, conquis, on ne l’a pas oublié, à la faveur d’un coup fourré*, pour commettre une vilaine action.

Moins de trois mois lui auront donc suffi pour que l’on regrette Moritz Leuenberger. La voici installée à la tête des transports, et s’attaque au financement des investissements. Une redoutable affaire, Adolf Ogi en avait fait la cruelle expérience, Moritz y a exercé des talents de jongleur, avant de se retrouver paralysé par les blocages financiers du duo Merz-Blocher. Doris, donc, hérite d’un dossier pas facile, mais ça a toujours été le cas, et puisque son prédécesseur s’était ingénié à compliquer les mécanismes, elle tranche dans le vif en lâchant un puissant Y-a-qu’à. Y-a-qu’à faire payer le client!

Sans négliger au passage de mettre une partie de la facture sur les cantons. A voir la mollesse des premières réactions, elle aurait tort de se gêner. Une précaution avait été prise en promettant des choses de toutes façons indispensables sur l’aménagement de la gare de Lausanne. On se retrouve dans les meilleures traditions fédérales où, pour neutraliser la Suisse romande, rien de mieux que d’aller caresser le ventre mou vaudois.

Effet immédiat atteint. Dans le quotidien cantonal vaudois, un préposé a réussi le tour de force de s’extasier à longueur d’édito sur ces promesses, confondant au passage, mais ça n’est pas nouveau, intérêts romands et intérêts vaudois, et ce sans dire un mot de ce renvoi de la facture aux usagers. Fallait le faire.

Mais effet réussi dans l’immédiat seulement. Le lendemain, cette publication corrigeait quelque peu le tir. Puis surtout Ariane Dayer, dans «Le Matin-Dimanche» d’aujourd’hui, a recadré l’affaire dans la longue histoire des promesses ferroviaires pas tenues, et profilé la duperie: «Prends cette gare et tais-toi!» Le débat est lancé, mais pas forcément comme le voudrait Doris Leuthard.

Y-a-qu’à faire payer le client. Pas besoin d’un dessin pour comprendre que la formule inclut un bouleversement radical de la politique des transports fondée sur le transfert modal, tâche de longue haleine. Pour tenter de justifier cette révolution, un calcul est exhibé selon lequel l’usager couvrirait, aujourd’hui, moins de 50% des coûts.

S’agissant de cette couverture des coûts, un détail dont on ne parle guère. Qui paye quoi? cette question n’est effectivement pas inintéressante lorsqu’on sait que l’abonnement général est offert aux autorités fédérales, des conseillers nationaux et sénateurs au Conseil fédéral, pour ne pas parler du statut de la Direction générale des CFF. Il résulte de ces privilèges que les personnes amenées à décider de l’augmentation du prix des billets, Doris Leuthard en tête, sont celles qui – loisirs compris – voyagent gratis quasiment partout en Suisse.

* Coup fourré: à fin octobre 2010 Doris Leuthard, qui présidait le Conseil fédéral, a orchestré la manoeuvre de la droite qui lui a permis, tout en offrant l’Economie à Johann Schneider-Ammann, de prendre Transports et Energie, Simonetta Sommaruga étant casée contre son gré à Justice et Police.

Article paru sur courant-d-idées.com

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