Ce n’était pas le million attendu. Mais les 100 000 personnes, selon les estimations les plus favorables, revenues investir le 1er avril la place Tahrir du Caire – sous un soleil de plomb – se traduisent comme un succès à l’appel lancé pour remettre la révolution sur les bons rails. Un climat qui a aussi rappelé que si l’étincelle tunisienne avait eu lieu dans la fournaise de l’été, les répercutions en Égypte n’auraient jamais pris la même ampleur populaire, ou en tous cas pas à deux semaines d’intervalle. Face aux tentatives politiques actuelles de confisquer les résultats de la révolte à ses auteurs, même la nature est venue apporter un avertissement: en début d’après-midi, la terre a fortement grondé avec un tremblement de 6.2 et plusieurs répliques. (Mais je n’y vois pas un clin d’œil au titre de ce blog!).
Comme pour donner un gage de confiance aux manifestants, un nouveau pas important dans la révolution a cependant été franchi jeudi 31 mars par le nouveau gouvernement en place, avec le remplacement très attendu et demandé des deux principales têtes pensantes pro-Hosni et Gamal Moubarak du tentaculaire groupe de presse public Al-Ahram. La purge a d’ailleurs touché les principales publications affiliées au PND (Parti National Démocratique, dont Hosni Moubarak était le président). Il aura fallu attendre près de deux mois pour l’obtenir. Pas si long après 30 ans de domination. Le spectaculaire retournement de veste d’Al-Ahram au lendemain de la chute du raïs, avec une ligne éditoriale subitement devenue pro-révolution n’aura pas été suffisant pour leurrer les Égyptiens qui l’ont perçu comme le comble du ridicule.
Parallèlement, les tentatives d’annuler, ou au moins de minimiser l’importance du rassemblement de ce vendredi 1er avril, se sont multipliées la semaine dernière par voie de réseaux sociaux. La contre-révolution est encore ardemment animée par les forces de l’ancien régime, mais elles n’ont pas réussi à agiter l’épouvantail des Frères musulmans. Hier, sur la place Tahrir, ils n’étaient pas présents, et la mise en garde des manifestants leur était indirectement adressée.
Une question reste cependant sur toutes les lèvres. Comment, le tonitruant Zahi Hawass, secrétaire général du Conseil Suprême des Antiquités égyptiennes sous Moubarak, soupçonné de trafic et de prise d’intérêt personnel, et donc associé à la corruption de l’ancien régime, a-t-il bénéficié d’une promotion dans la nouvelle équipe gouvernementale pourtant « à l’écoute de la révolution »? Comme il a été promu Ministre des antiquités, le mystère reste entier.
Article paru dans « Tremblements d’Egypte«