Tuerie de Nantes : traque sur Internet


Début avril, une mère de famille et ses quatre enfants, âgés de 13 à 21 ans, sont exécutés par balles à Nantes, dans lʼouest de la France. Le père a disparu et une information pour “assassinat” contre X est ouverte par la justice. Ce fait divers dramatique met la France en émoi et fait la “une” des médias. Mais il pose aussi de graves questions sur le rôle dʼInternet.

Comme toujours en France, les juges et les policiers livrent complaisamment aux média les détails de lʼenquête. Ils violent systématiquement le secret de lʼinstruction, ce qui est un délit pénal, presque jamais puni. Pire encore : lʼidentité de la famille, avec les prénoms, les âges et des détails sur la vie de chaque membre sont révélés. Les médias font leurs choux gras de ces révélations sordides, en violant la vie privée.

Normal, me direz-vous ! Face à un crime si monstrueux, il faut tout faire pour arrêter le coupable. Sauf que si cʼétait arrivé dans votre entourage, vous accepteriez que votre nom et les secrets de votre famille soient livrés en pâture, au prétexte dʼaider lʼenquête ? Mais, dans le drame de Nantes, un pas supplémentaire a été franchi : des internautes se sont proclamés enquêteurs et ont fouillé systématiquement les sites Internet pour trouver des preuves. Ils ont découvert que le père de famille avait confié ses états dʼâme sur le forum de la Cité catholique, sous différentes pseudonymes. Sur Facebook, dʼautres internautes ont trouvé des photos du présumé meurtrier. De fins limiers du Net ont révélé que la mère de famille avouait ses peurs sur un site de forum.

Tout ce brouet médiatique est servi chaud par plusieurs sites, notamment celui de “Nouvelles de France”, qui sʼaffirme “résolument à droite…développé par des journalistes et des internautes de droite, libéraux et conservateurs.” Un petit groupe créé en mars, qui a notamment lancé un référendum contre lʼimmigration. Son rédacteur en chef raconte comment un internaute, bubbles_nantes, aurait piégé le père en fuite : il aurait collectionné ses adresses mail et lui adressé une carte de Pâques, qui aurait été lue 50 minutes plus tard. Il lui aurait ensuite envoyé un mail qui a été lu, peut-être par un ami, et il aurait ainsi découvert son IP (le numéro dʼidentification de son ordinateur) et sa localisation, Montpellier. Bubbles_nantes se présente comme “webmaster, développeur Intranet/Internet … analyste programmeur.” Il fait partie de ces experts dʼInternet qui sont capables de trouver nʼimporte quelle information, de mettre à jour nʼimporte quel pseudonyme et de découvrir sur les réseaux sociaux des données que leurs auteurs ont oubliées – des photos, des textes ou des liens qui peuvent être compromettants.

Bien sûr, cela confirme ce que tout le monde devrait savoir : sur Internet, rien nʼest confidentiel, rien nʼest caché, rien nʼest jamais oublié. En France, la loi Informatique et Libertés prévoit expressément que chacun peut sʼopposer à ce que les données qui le concernent fassent lʼobjet dʼun traitement informatique. Encore faut-il le plus souvent que le juge lʼordonne. Mais le drame de Nantes rappelle aussi – si vous lʼignoriez – que, depuis le 1er mars, en France, votre fournisseur dʼaccès Internet et vos sites de partage de musique, de vidéos, dʼe-commerce, de boîtes mail, ont lʼobligation de conserver pendant un an toutes les données qui vous concernent : notamment votre identifiant, votre mot de passe, la date et lʼheure de votre connexion, votre pseudonyme, votre type de paiement, son montant, vos recherches par mots-clés, etc.

Quand les cybernautes se font enquêteurs et auxiliaires de police, quand la justice a accès à toutes vos données informatiques, on peut vraiment sʼinquiéter des risques dʼInternet pour sa vie privée. Big Brother se cache derrière lʼécran !

 

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