Valeurs essentielles

La culture générale se perd. Les incivilités et le manque d’égard pour autrui s’accroissent. Qui faut-il mettre en cause? Comment y pallier?

Un constat amer
Pour comprendre le monde et plus encore ses semblables, un minimum de culture générale est indispensable. Quelques repères historiques, une connaissance même sommaire de la localisation des pays dont on parle, une maîtrise suffisante au moins de la langue tant écrite que parlée là où l’on habite et travaille, des notions simples de calcul et de sciences, tout cela contribue à favoriser l’autonomie des personnes, à faciliter leur insertion professionnelle et sociale, à permettre leur engagement civique.

Malheureusement, ces connaissances et ces compétences élémentaires semblent être en régression dans la population. Et lorsque l’esprit et la raison ne sont plus en mesure de guider la vie quotidienne, c’est l’émotion et la subjectivité qui prennent le commandement de l’action. Ou plutôt de la réaction. Avec les conséquences que l’on peut mesurer lors de certaines votations.
Sur un autre plan, mais conduisant aux mêmes résultats, il faut bien constater une recrudescence de ce qu’il est convenu d’appeler des incivilités. Des comportements qui peuvent aller d’un manque flagrant de politesse et d’égard à des conduites plus ou moins violentes.

Les tags pas toujours très esthétiques sur les bâtiments, les déchets de toutes sortes abandonnés dans les parcs et sur la voie publique, les déprédations du mobilier urbain et des embellissements floraux, les vols d’usage de vélos, des agressions pas seulement verbales, sont des manifestations du phénomène qui, même si elles sont encore limitées dans notre région, polluent la cité et dégradent l’ambiance sociale.

Et contrairement à ce que beaucoup pensent, ces différents délits ne sont pas l’apanage exclusif de quelques adolescents et jeunes adultes. Des dysfonctionnements sociaux sont constatés chez de très jeunes enfants déjà par les enseignants des premières années de la scolarité obligatoires. Pour ne rien dire des attitudes de moins en moins civiles et responsables qu’ils rencontrent chez de trop nombreux parents.

Une conclusion s’impose. Toutes ces situations découlent incontestablement d’un déficit inquiétant d’éducation, à tous les niveaux générationnels.

Des responsabilités partagées
L’identification des responsabilités dans ces dérèglements n’est pas aisée. Et la recherche de remèdes ne l’est pas plus.

Tentons néanmoins quelques explications. À l’éducation parfois rigide mais surtout sans concession qu’ont imposée les parents et les « régents » d’antan a succédé une forme relativement libérale pour ne pas dire laxiste d’encadrement familial et scolaire. Une sorte de «stabulation libre» à la maison comme à l’école.

Loin de nous, l’idée UDC d’en revenir aux méthodes pédagogiques du XIXe siècle. Loin de nous l’intention de réintroduire «l’ordre et l’obéissance» pour formater les enfants d’aujourd’hui. C’est intentionnellement que je récuse ici la notion d’obéissance. Je voudrais en revanche réhabiliter la discipline. Max Frisch a fait à ce sujet, dans son ouvrage intitulé «Livret de service», une subtile distinction entre ces deux termes. En bref, l’obéissance est aveugle et servile alors que la discipline est une attitude volontaire, assumée et intégrée.
Il n’est plus à démontrer que tout se joue dans les premières années de la vie d’un enfant, donc en principe dans la famille. La politesse, le respect d’autrui, la solidarité, la coopération, mais aussi la façon d’appréhender les rapports de forces devraient s’apprendre naturellement, à ce stade et dans ce cadre, au contact de parents éducateurs et d’une fratrie. «Devraient» parce que ce n’est pas toujours possible. Ainsi par exemple l’enfant unique et, qui plus est, vivant dans une famille monoparentale, ne bénéficie pas forcément d’un tel environnement d’apprentissage.

Quelques évidences
C’est en particulier pour pallier les manques ainsi constatés que les institutions d’accueil de la petite enfance se sont (encore insuffisamment) multipliées. Et c’est notamment (mais pas seulement) pour cela que des exigences élevées de compétences professionnelles et humaines pour l’encadrement des enfants y ont été imposées. La scolarité obligatoire, fixée dès l’âge de 4 ans, répond pour une part aux mêmes besoins. Ces diverses mesures d’intérêt public visent non seulement à favoriser l’égalité des chances mais aussi et subsidiairement à compléter l’éducation de base des jeunes enfants.

Tout cela bien sûr sans pour autant déresponsabiliser les parents. Des parents dont beaucoup devraient reconnaître leur besoin de formation complémentaire pour assumer pleinement leurs responsabilités d’éducateurs. Car l’apprentissage que beaucoup font «sur le tas» en ce domaine fait quelquefois des dégâts considérables.
Un socle éducatif, concrètement intégré par l’enfant avant d’entrer à l’école, faciliterait grandement la tâche que celle-ci est sensée assurer par la suite. Les enseignants pourraient en effet consacrer leur énergie à favoriser l’acquisition par les élèves des connaissances et des compétences fixées dans les programmes plutôt qu’à gendarmer pour capter leur attention et pour stimuler leur application.

Ces quelques principes sont certes insuffisants pour éliminer les incommodités, décrites plus haut, qui empoisonnent la vie en société. Mais il faut bien commencer par un bout!

Article paru dans Courant d’Idées

 

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