Au Festival du film sur les droits humains, le 7 mars dernier à Genève, une personne se lève pour s’exprimer à l’issue de la présentation de « Debra Milke », documentaire de Jean-François Amiguet et Gesenn Rosset.
PAR CHRISTIAN CAMPICHE
Le film relate l’histoire tragique d’une jeune femme dont la vie bascule en 1989 à la suite de l’assassinat de son fils dans le désert de l’Arizona. Deux hommes au parcours de pieds nickelés, des connaissances de la mère, sont vite identifiés comme étant les assassins. Accusée d’avoir commandité le meurtre, Debra Milke sera condamnée en 1991 à la peine capitale. Depuis, elle croupit dans le couloir de la mort, alors que la preuve de sa culpabilité n’a jamais été démontrée.
Erreur judiciaire
Le spectateur qui intervient à la fin de la représentation s’appelle François de Vargas. Cet ancien secrétaire général du Comité suisse contre la torture dit tout le bien qu’il pense de l’initiative d’attirer ainsi l’attention du grand public sur une erreur judiciaire plus que probable. Il relève aussi que sans un journaliste suisse, le Lausannois Jacques Secretan, ce documentaire n’existerait tout simplement pas. Secretan lutte depuis des années pour la réhabilitation de Debra Milke. Activiste au long cours – il a fondé une association à Lausanne, « Vie en Jeu » – il s’est rendu aux Etats-Unis plusieurs fois pour enquêter sur l’affaire. Avant de parvenir à la conviction que Debra Milke est innocente.
Jacques Secretan n’est pas le seul à l’affirmer car un journaliste et détective américain, Paul Huebl, est parvenu aux mêmes conclusions. L’enquête policière, menée par un inspecteur désireux de bâtir sa carrière sur du sensationnel, a été bâclée. Des propos de Debra ont été extorqués sans le moindre enregistrement, avant d’être tirés hors de leur contexte. Les juges, dont certains ont pu également être motivés par des critères carriéristes, ont tout gobé.
Sursis
En 1998, dix-sept jours avant la date fixée pour sa mise à mort par injection létale, un sursis est accordé à la condamnée. En 2006, un premier recours avec réexamen des preuves se voit rejeté. Mais tout espoir n’est pas perdu car l’affaire est devant une Cour d’appel fédérale depuis fin 2007.
Le film « Debra Milke » s’inscrit dans ce scénario digne d’un polar de la meilleure veine. Pour contribuer à financer ce documentaire, Jacques Secretan a raclé le fond de son porte-monnaie. Il a aussi écrit un livre, « Une mère innocente condamnée à mort aux Etats-Unis », sorti dernièrement chez Favre (1), dans lequel il retrace des événements dramatiques au cœur d’un système judiciaire implacable. « Aux Etats-Unis, écrit l’auteur, pas question de laisser impunis les crimes les plus abominables. Le risque de juger coupable une personne innocente est considérable, ainsi qu’en atteste le pourcentage élevé d’erreurs judiciaires qui finissent tôt ou tard par être reconnues. »
(1) « Une mère innocente condamnée à mort aux Etats-Unis », par Jacques Secretan, Favre, 2011.
Article paru dans « La Liberté » du 25 juin 2011