Paolo Borsellino et Giovanni Falcone

Le 23 mai 1992, Giovanni Falcone meurt assassiné dans un attentat. À la hauteur de Capaci, la déflagration causée par une quantité énorme d’explosifs cachés sous la chaussée a provoqué un cratère qui lacère le tronçon d’autoroute portant de Punta Raisi à Palerme. Déchiquetée, la voiture dans laquelle le magistrat sicilien voyageait gît, couverte de pierres et de terre au bord du gouffre ouvert par l’explosion. Le souffle macabre a emporté les vies de Giovanni Falcone, de sa compagne Francesca Morvilllo ainsi que de Vito Schifani, Rocco di Cillo et Antonio Montinari.

Un mois après, dans l’atrium de la Bibliothèque de Palerme,  Paolo Borsellino prononce un discours en mémoire de son ami Giovanni Falcone. Des mots à la fois tremblants de rage et imprégnés du calme qu’octroie le courage. le juge souligne que Giovanni Falcone a commencé à mourir quatre ans plus tôt, en 1988, quand il a été marginalisé au sein du Palais de Justice de Palerme. Giovanni Falcone avait alors participé au  concours pour prendre la tête du pool de magistrats antimafia de Palerme où il avait oeuvré depuis le début de sa carrière, prouvant son talent, son courage et son abnégation. Giovanni Falcone, digne héritier d’Antonino Caponnetto. Mais «à cause de quelques Juda» – ce sont ces mots que Paolo Borsellino fait résonner dans l’atrium de la bibliothèque de Palerme – le Conseil supérieur de la Magistrature italienne avait écarté Giovanni Falcone et nommé Antonino Meli. D’après Paolo Borsellino, c’était le début de la mort du pool antimafia et de Giovanni Falcone, victime d’abord du du venin du Palais de Justice palermitain, ensuite marginalisé et isolé. Enfin éliminé.

Paolo Borsellino avait compris que la mort était au rendez-vous car il connaissait le processus: d’abord l’exclusion, puis l’insinuation, ensuite l’infamie, le dénigrement et la calomnie. Enfin, la mort. Paolo Borsellino avait été spectateur impuissant de la mort du magistrat Rocco Chinnici, le 29 juillet 1983, puis, les 28 juillet 8 août 1985, des commissaires Montana et Cassarà.  Au cours de sa dernière interview, Paolo Borsellino avait affirmé qu’il était conscient, comme ses amis et collègues l’avaient été avant lui, qu’il n’était qu’un cadavre qui marchait. Comme Giovanni Falcone, Paolo Borsellino reconnaissait qu’il avait peur, mais affirmait qu’il affrontait la peur avec courage et qu’il n’y avait là aucune incohérence, le contraire du courage n’étant pas la peur, mais la couardise.

19 juillet 1992. Palerme. Via d’Amelio. Le son aigu de l’alarme d’une voiture coupe le silence assourdissant qui suit l’explosion. Paolo Borsellino a été assassiné, mais comme Giovanni Falcone, il vit toujours dans la mémoire.

http://borsellinosouvenir.wordpress.com/

Article paru dans « Un ristretto »

 

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