Exercice de diction pour théâtres amateurs, la saucisse suisse est avant tout le symbole incontesté de notre liberté. A l’inventaire du Patrimoine culinaire suisse, instance de référence en matière d’authenticité gastronomique, elle a gagné en visibilité depuis qu’elle partage le sort de nos fiertés nationales, qui ont nom taillé aux greubons, sugus, zwiebacks ou Vacherin Mont d’or. Une consécration qui n’est que justice rendue au génie helvétique.
Des sous-voies des gares aux abris-bus périphériques, partout les placards des villes nous vantent ce concentré de graisses et de viandes improbables, taillé en croix au bout d’un bâton. Pourquoi notre fédéralisme ne s’autoriserait-il pas aussi un sceptre?
Né sans doute de la nécessité de nourrir les rudes mercenaires au service de l’étranger, qui hallebarde en bandoulière défendaient des territoires qui leur étaient tout autant étrangers, ce snack de garde avant la lettre a fondé loin de la patrie un consensus que l’on désespérait ne jamais pouvoir trouver. Plus que le cenovis, La Poste ou les CFF, institutions livrées aux aléas instables de l’économie, la saucisse s’est imposée comme le véritable ciment de notre nation.
Des prairies du Grütli aux pentes du Risoux, du Salève à Romanshorn, une salve de saucisses en tous genres va jaillir ce 1er août dans le ciel, prouvant notre attachement sans failles à la Confédération. A base de veau, de boeuf ou de porc, elles ont nom cervelas, merguez ou schüblig. Elles vont relever le goût insipide de la Patrie.