NZZ, le choc inavoué des cultures


Matin en vacances et bleu dans le ciel. Une pleine liberté pour explorer la presse du jour. Nous tombons, dans un café proche de la gare de L., sur ce noble cépage de Suisse alémanique, la NZZ. “Zeitung für die Schweiz, gegründet 1780”.  Un titre en gothique impossible à reproduire ici, à moins de sonder les polices du Net. Ecriture quasi mystique dès le moyen-âge, proscrite par le Führer pour d’obscures raisons, elle orne encore de ses jambages anachroniques les enseignes de quelques hôtels prétentieux.

La NZZ ou le choc inavoué des cultures. La fine fleur de la pensée journalistique.

Si nous Romands nous auto-proclamons instruits et civilisés, censés maîtriser la langue de Goethe, ouverts et sans frontières, nous renâclons à la lire. Même si notre presse semble exhaustive, on dit qu’outre Sarine elle contient l’essentiel, qu’elle sait résumer le comment et le pourquoi des choses. Un haut savoir dont nous nous sentons exclus. Pas facile en effet de lire ce qui réclame un effort. Traduire des mots sans fin, en rétablir l’ordonnance, en traquer le sens et la syntaxe sans bousculer notre paresse, le pari est perdu d’avance.

Pour les moins chanceux d’entre nous, qui ne pouvons revendiquer une ascendance suisse alémanique, combien d’années d’apprentissage poussif pour ne comprendre cette langue qu’à moitié. Combien de tâtonnements et d’interrogations inquiètes à entraîner notre souffle jusqu’au verbe à la fin, à saisir l’ordre des mots aussi logique et implacable qu’un règlement  fédéral.

Journal de référence au top-ranking  de la presse mondiale, notre gazette zurichoise talonne le “Washington Post”. C’est dire son importance. S’articulant autour d’un épais cahier financier, elle se concentre sur le sérieux des choses. A peine une image et quelques couleurs pour les mettre en valeur. L’essentiel est dans le texte.  Un parti pris qui a son protocole. Rien d’excessif dans le graphisme. Calme et constance de la mise en page. Sérieux séculaire dans la démarche intellectuelle et le choix des sujets.

Là-bas, les décideurs qui décident de tout en matière d’économie et de finance, de culture ou de politique, l’ont paraît-il à leur chevet. Hélas, malgré nos efforts à saisir au vol et en diagonale le sens des mots, nous passons à côté d’eux, confrontés au mystère d’un idiome qui s’articule à contresens de notre nature. Si les feuilletons zurichois sont autant d’enquêtes exhaustives, ils ne sont chez nous qu’une distraction annexe. Nous valorisons plus souvent l’image que le texte. Dommage que la pertinence de toutes ces informations et leurs commentaires fouillés restent extérieures à nos consciences. Nous y aurions tout à gagner dans le rapprochement des peuples.

Mais peut-être n’aurions-nous pas cette insouciante légèreté, quoique toute relative, que nous envient nos amis d’Alémanie?

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