A huit mois de l’élection présidentielle, la France ressemble à une arène où les candidats se battent à coup de révélations croustillantes, de rumeurs nauséabondes et de boules puantes, qui font les délices des médias. On est en plein feuilleton Bettencourt, la vieille milliardaire soupçonnée par une ancienne juge d’avoir remis des enveloppes à Nicolas Sarkozy. On patauge dans les scandales du parti socialiste de Marseille, où le président du Conseil général est inculpé d’ «association de malfaiteurs».
Depuis dimanche, les boules puantes volent bas. Le « Journal du Dimanche » publie une interview de l’avocat Robert Bourgi, qui affirme : «J’ai vu Chirac et Villepin compter les billets». Bourgi, son nom ne vous dit rien ? C’est un homme de l’ombre qui affirme que, pendant des années, il a porté des valises pleines de millions offerts par les chefs d’Etat africains à Jacques Chirac, pour financer sa campagne présidentielle en 2002. Et l’ancien conseiller ne lésine pas sur les détails pour mouiller l’ancien président de la République et son premier ministre : «Je me souviens de la première remise de fonds en présence de Villepin. L’argent venait du maréchal Mobutu, président du Zaïre. C’était en 1995. Il m’avait confié 10 millions de francs que Jacques Foccart est allé remettre à Chirac. En rentrant, le « Doyen » m’avait dit que cela s’était passé « en présence de Villepinte », c’est comme cela qu’il appelait Villepin.»
Quelle mémoire… et quel talent de conteur ! Evidemment – on pouvait s’y attendre – Chirac et Villepin ont démenti et menacé de porter plainte pour diffamation. L’avocat Bourgi a une réputation sulfureuse. Héritier spirituel de Jacques Foccard, le Monsieur Afrique du général de Gaulle, il a été conseiller de Chirac dans les années 80, puis de Villepin, qui l’a viré en 2005. Il a alors passé dans le camp de Sarkozy qui le décore de la Légion d’honneur en 2007. Cet homme de l’ombre proche des présidents africains a soutenu le président Ali Bongo du Gabon en 2009. On lui prête cette déclaration : « Au Gabon, la France n’a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c’est Ali Bongo. Or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy. »
Bien sûr, le coup de gueule de Bourgi sent le règlement de compte et la vengeance à froid. Mais ce n’est sûrement pas un hasard si son interview paraît dans un journal qui appartient au groupe Lagardère, dont le PDG est un grand ami de Sarkozy. Pas un hasard non plus si cette boule puante est lancée au moment où Jacques Chirac comparaît pour avoir financé avec de l’argent public des emplois fictifs lorsqu’il était maire de Paris et président du RPR. Hasard encore si ces révélations sont faites pour quelques jours avant le jugement dans l’affaire Clearstream, où Dominique de Villepin comparaît après l’appel contre sa relaxe d’un procureur réputé proche du président Sarkozy ? On ne peut pas s’empêcher de penser, comme le site « Rue8 », que cela «ressemble à un contre-feu aux déclarations de la juge Isabelle Prévost-Desprez sur la remise d’enveloppes à Nicolas Sarkozy chez Liliane Bettencourt.» Il y a des années que que la rumeur court : l’argent des chefs d’Etat africains a financé la politique française. Mais que cette accusation sorte maintenant, c’est un signal clair que la campagne présidentielle sera «sale», que tous les coups bas seront permis. De quoi renforcer l’opinion que le Front national assène aux Français : les politiciens, tous pourris ! Pauvre France, qui se débat contre des déficits abyssaux et un chômage redoutable, une Bourse en chute libre, des banques fragilisées, alors que sa classe politique se déchire dans des jeux nauséabonds.