Récit de l’écrivain jurassien oublié Werner Renfer, «Hannebarde» (1), ou la rencontre du vieux sonneur de cloches et de la petite Bridille, constitue un récit d’une poésie étincelante, rare et singulière.
Hannebarde, le vieux sonneur de cloches du village vit seul depuis longtemps. Issu d’une «race de montagnards qui a poussé entre des rochers énormes et des sapins millénaires», le «poil roux», il tire de ses cloches des «notes éclatantes». «Il parlait peu. Il vivait surtout de silence». Entre «solitude» et «oubli», son destin d’ermite taciturne semble tout tracé.
Casque de soleil
C’est sans compter sur Bridille, la petite fille du fossoyeur, qui chaque jour croise son chemin, sur le sentier de l’église, où elle joue, «casquée de soleil ou d’aubépine». Bridille et ses tresses blondes, «trésor plus doré que les blés», sa «voix de clochette», ses «yeux étonnants, des yeux gris, gris bleu, bleu gris», Bridille qui fait que quelque «chose de frais» commence à «remuer» à l’intérieur de Hannebarde.
L’apprentissage de Bridille
Bridille sera un nouveau printemps pour Hannebarde, après toutes ces années passées à sonner les cloches pour les mariages de «ces gendres qui épousent, non pas la jeune fille qu’ils ont au bras, mais un poste avantageux dans l’administration, ou une sinécure dans une société par actions». A mesure qu’elle grandit, elle «qui n’avait été pour Hannebarde qu’une petite tache rouge et blanche et bleue au soleil, sur le sentier de l’église», Bridille veut apprendre. Et c’est avec Hannebarde qu’elle veut apprendre.
Le scandale
Apprendre le secret des cloches, la nature, apprendre à «épeler les choses, les êtres», jusqu’à apprendre à construire une embarcation, sur laquelle, voile rouge au vent, sur la rivière, Hannebarde et Bridille traverseront le village médusé. Ce bonheur éclatant et fragile, qui un temps contamine tous les villageois, ne dure pas. Stimulés par «l’Union pour l’hygiène morale de la Cité», les habitants du Bourg voient désormais le «scandale» dans la renaissance d’Hannebarde. Ostracisé, celui-ci connaîtra alors son automne, avec un épilogue à la fois lumineux et tragique.
Voix singulière
C’est un nouveau journal romand, qui, en choisissant comme nom le titre de l’un de ses recueil de récits – «La Couleur des jours» -, a récemment attiré l’attention sur Werner Renfer (1898-1936). Suisse francophone (jurassien), celui-ci a vécu de sa plume, mais de sa plume de journaliste, au journal local «Le Jura Bernois», et ce n’est qu’à temps perdu qu’il s’est consacré à la littérature. Avec le conte de «Hannebarde», cet écrivain mort trop tôt (à trente-huit ans), livre un récit d’une poésie étincelante, rare et singulière. La revue romande «La Couleur des jours» lui consacre un dossier dans son premier numéro (01/09/2011).
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[…] Un sujet délicat traité avec beaucoup de finesse et de sensibilité dans une langue à la « poésie étincelante et rare » (http://www.lameduse.ch/2011/09/14/werner-renfer-une-poesie-etincelante-et-rare/). […]
[…] Un sujet délicat traité avec beaucoup de finesse et de sensibilité dans une langue à la « poésie étincelante et rare » (http://www.lameduse.ch/2011/09/14/werner-renfer-une-poesie-etincelante-et-rare/). […]