Irrédentisme serbe au Kosovo


« Tire-toi ! ». Les jeunes femmes qui bloquent et montent la garde, jour et nuit, sur le pont principal qui divise, au-dessus de la rivière Ibar, la ville de Kosovska Mitrovica, n’ont pas envie de parler aux journalistes. Divisée depuis la fin du conflit entre l’OTAN et Belgrade, en 1999, la ville comprend, dans sa partie nord, une importante minorité serbe qui reste imperméable à toute idée d’indépendance du Kosovo.

Perte de crédibilité

Plus au nord, sur une autre barricade, Marko, 25 ans, magasinier de son état, est plus loquace. On est ici près du poste frontière de Jarinje, dont les autorités de Pristina ont décidé de prendre le contrôle, fin août, provoquant des réactions violentes chez les Serbes de la région. « D’accord pour un poste frontière », s’écrie Marko, « mais je veux être contrôlé par les représentants de mon Etat, pas par les Albanais ». Et cet Etat, souligne Marko, « c’est Belgrade ». Depuis, c’est le blocage : aucun véhicule ne peut emprunter la route qui, habituellement, relie le nord du Kosovo au sud de la Serbie. Des volontaires serbes se relaient, jour et nuit, pour assurer une permanence, et l’Union européenne, en pleine perte de crédibilité en Serbie, tente encore de trouver une issue à cette nouvelle crise.

“Ceci est la Serbie”

Partout, sur les routes du nord du Kosovo, flotte le drapeau de la république serbe. Partout, s’affichent, en format officiel, des slogans déclarant que « ceci est la Serbie » (« Ovo je Srbija ! »). Au centre-ville, à Mitrovica, on peut voir des affiches de soutien pour Vojislav Seselj, un accusé de guerre actuellement jugé au tribunal international de La Haye pour des crimes commis en Bosnie dans les années 90.

Système de valeurs inchangé

Au-delà du nord-Kosovo, 11 ans après le renversement du régime de Slobodan Milosevic, c’est toute la Serbie qui semble fatiguée. Fatiguée de la rhétorique démocratique, fatiguée d’attendre que Bruxelles lui donne, finalement, le feu vert pour son adhésion éventuelle à l’Union européenne. De passage dans la ville de Kraljevo, le président pro-européen Boris Tadic l’affirmait le 5 octobre dernier, onze ans, jour pour jour, après le renversement de Milosevic : « les changements auraient pu être plus rapides » : « Et en tant que président, et en tant que citoyen, je ne suis pas satisfait que nous n’ayons pas davantage pu changer notre système de valeurs » (« Blic », 06/10/2011).

L’Europe impopulaire

Alors que le quotidien populaire de Belgrade “Blic”  indiquait, le 5 octobre dernier, un taux d’adhésion à l’intégration européenne historiquement bas (46% d’opinions favorables), Radoslav Milic, représentant du Parti démocratique (au pouvoir à Belgrade) à Novi Pazar s’explique. « Ce n’est pas vous qui avez renversé Milosevic, c’est nous. C’est nous qui avons mené ce combat, qui avons voulu nous rapprocher de l’Europe. Mais les gens ici sont fatigués de l’idée européenne : à chaque fois, on nous impose de nouvelles exigences. Il fallait arrêter Karadzic. Nous l’avons fait. Il fallait arrêter Mladic. Nous l’avons fait. Maintenant, alors que seul un nombre limité de pays reconnaît le Kosovo, vous nous demandez de reconnaître son indépendance. C’est tout simplement impossible ».

Article paru dans “Europe Asie”.

 Sur la photo @Europe-Asie: une affiche sur la route de Kosovska Mitrovica

 

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