Sócrates n’est plus. Le «docteur» de cette magnifique équipe qu’était le Brésil de 1982 est mort, détruit par l’alcool comme l’avait été Garrincha. Grand, barbu, aux jambes minces et interminables, Sócrates était pourvu d’une énorme classe et pour ses détracteurs d’une grande lenteur, aussi. Grâce à son excroissance à l’arrière du pied droit, il était le roi de la talonnade. Sócrates n’était pas un joueur de football comme les autres. D’abord, il avait étudié et son surnom n’était pas dû à l’intelligence de ses passes en profondeur, mais au fait qu’il avait obtenu un doctorat en médecine. Au sein de l’équipe nationale, il évoluait au sein d’un légendaire milieu de terrain. Il y avait Toninho Cerezo – qui assurait les arrières – la dynamicité de Falcão, la classe d’Arthur Antunes Coimbra dit Zico et l’infatigable Júnior. Et les passes de Sócrates libéraient souvent la frappe dévastatrice d’Éder.
Le jeu du Brésil en 1982 était fantastique, et bien des télévisions ont programmé des répliques nocturnes de ses plus belles parties. Comme l’alcool a emporté Socrates, le cynisme de l’Italie avait éliminé la belle et impossible «seleção». Au cours de l’historique match du 5 juillet à Barcelone, Sócrates – alors capitaine – avait marqué le premier goal pour son équipe. Pris au piège du contrepied italien, le Brésil avait tout de même réussi à marquer le but du 2-2 grâce à une belle frappe de Falcão: un résultat qui aurait qualifié les Brésiliens, renvoyant les «azzurri» à la maison. Mais le Brésil n’était pas équipe à jouer dans sa moitié de terrain pour attendre l’adversaire, cherchant un match nul. Au fond – comme disait Sócrates – le but d’un match de foot est de laisser un bon souvenir au public. Ainsi, les Brésiliens s’étaient jetés à l’avant à la recherche de la victoire, mais avaient encaissé le but décisif de Paolo Rossi. Brésil éliminé et match imprimé à jamais dans la mémoire du football.
Fidèle à son style, Sócrates frappait les penalties comme nul autre, sans prendre – presque – d’élan. Cela pouvait donner un beau but comme celui marqué contre la Pologne en 1986 ou un grand raté (contre la France la même année), au Mexique. Mais il n’y a pas que le ballon dans l’histoire liée à ce joueur. Au début des années ’80, Socrates jouait au sein de l’équipe pauliste de Corinthians. Le club était alors géré d’une manière catastrophique et quatre joueurs politisés – Wladimir, Casagrande, Zenon et Sócrates – avaient appelé à la rébellion. Sous l’impulsion de ces quatre personnes, l’équipe de Corinthians avait opté pour l’autogestion. Un joueur, un vote. Cela avait donné vie à un mouvement appelé «Democracia Corinthiana», une devise imprimée sur les maillots blancs de l’équipe. Et cela, en pleine dictature militaire au Brésil. Adeus, Sócrates.
Article paru dans « Un ristretto!«
*Sócrates Brasileiro Sampaio de Souza Vieira de Oliveira, dit Sócrates http://twitpic.com/7okb0j/full http://twitpic.com/7oonte/full http://twitpic.com/7ooofg/full