Le cowboy et l’armailli


L’Oncle Sam menace une nouvelle fois la Suisse. Pas les banques helvétiques, cette fois-ci, mais les hommes d’affaires et les touristes qui se rendent aux Etats-Unis. La menace américaine est claire: si vous ne nous donnez pas accès à vos fichiers de police pour contrôler l’identité des personnes qui entrent chez nous, on réintroduit le visa obligatoire pour les Suisses. Quoi, les citoyens de la Confédération helvétique traités comme des Somaliens, des Congolais ou des Irakiens? A Berne, on calme le jeu: «des entretiens exploratoires sont en cours avec les Etats-Unis» pour renforcer la coopération dans le domaine de la sécurité». Sauf que le cowboy américain donne six mois, jusqu’en juin 2012, à l’armailli suisse pour accepter ses conditions. C’est pas OK Corral, mais ça y ressemble!

Le diktat américain découle d’une loi votée en 2007 par le Congrès à la suite des attentats du 11 septembre 2001, pour prévenir et combattre le terrorisme. Seuls les ressortissants des pays qui ont signé l’accord «Preventing and Combating Serious Crime» pourront entrer sans visa sur le territoire américain. La Suisse a accepté cet accord, comme 35 autres Etats, surtout européens. Pour un ressortissant suisse, il suffit d’obtenir une autorisation électronique de voyage et de présenter un passeport à lecture optique ou biométrique. C’est le programme ESTA, dont 340 000 Suisses ont bénéficié, l’an dernier. Le questionnaire américain est assez intrusif. Vous devez préciser, par exemple, si vous avez une maladie transmissible, si vous êtes toxicomane, si vous avez été arrêté pour trafic de drogue, si vous avez l’intention de vous engager dans «des activités criminelles ou immorales». Encore heureux qu’on ne vous demande plus si vous avez l’intention d’assassiner le président des Etats-Unis! Vous devez aussi déclarer si vous êtes un espion ou un saboteur, si vous participé à des persécutions nazies entre 1933 et 1945. L’Oncle Sam ne badine pas avec la sécurité. Mais jusqu’à présent, il faisait confiance aux touristes et aux hommes d’affaires.

Fini, tout ça! Les Etats-Unis veulent pouvoir contrôler si vous dites la vérité. Ils veulent pouvoir contrôler directement par ordinateur si vous figurez dans les ordinateurs de la police, avec vos empreintes digitales et votre ADN. Ils pourront même réclamer un extrait de casier judiciaire. Le quotidien zurichois «Tages Anzeiger», qui a levé le lièvre, a demandé à ses lecteurs si la Suisse doit accepter la menace américaine: 87% ont dit non. Et les plus courageux ont même proposé de ne plus aller aux Etats-Unis, de boycotter les produits américains ou de prendre les empreintes digitales des businessmen américains! Officiellement, la Suisse préfère négocier. Mais elle sait qu’une vingtaine de pays ont déjà signé un accord avec les Etats-Unis et ont accepté ses conditions. C’est le cas de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et de la Norvège. Les Pays-Bas résistent, mais l’Autriche a fini par signer, après des mois de dures négociations. Pour la délégation américaine, selon la «Tribune de Genève»: «ou bien la Suisse respecte le délai fixé, ou bien le libre accès de ses citoyens au territoire des Etats-Unis appartiendra bientôt au passé.»

L’affaire tombe très mal pour la Confédération, qui a dû accepter, il y a quelques semaines, de livrer à la justice américaine les noms de centaines de fraudeurs qui avaient bénéficié du secret bancaire en Suisse. A une semaine de l’élection très controversée du gouvernement par le Parlement, les partis politiques et l’opinion n’avaient pas besoin que le cowboy américain rappelle à la Suisse qu’elle ne pèse par lourd.

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