Résidences secondaires, les emplois et le chantage


Oh là là, comme ils y vont, les journaux romands! Cinq pages dans le «Nouvelliste» pour dire tout le mal de l’initiative Weber limitant les résidences secondaires. Soumis au peuple le 11 mars 2012, ce texte est certes un véritable épouvantail pour les choucas de l’immobilier et de la construction. Mais un journal doit-il pour autant se mettre au garde-à-vous quand des grosses caisses sonnent le rappel?

A trois semaines du vote, ces mêmes milieux lancent l’artillerie lourde: des chiffres montrant que dans de nombreuses communes des Alpes et des préalpes, le quota de 20% signifierait la mort de nombreux emplois. 1000 dans le seul canton de Vaud, claironnent-ils dans «24 Heures». Des centaines dans les préalpes fribourgeoises, fait écho «La Liberté».

Une fois de plus, l’argument des emplois l’emporte sur toute autre considération, qu’elle soit d’ordre éthique, sociologique ou qu’elle relève tout simplement du bon sens. Il s’agit-là d’une forme de chantage qui ne se base pas sur des critères scientifiques. Quelqu’un a-t-il compté les postes vraiment menacés? Les forces vives locales sont-elles vraiment interpellées ou bien parle-t-on de travailleurs au noir? Et puis à quoi sert l’argent injecté dans le circuit touristique s’il aboutit à renchérir les loyers et à chasser des autochtones?

En l’absence de réponses claires, les journaux devraient faire preuve de retenue dans la diffusion de messages qui ressemblent davantage à un conditionnement qu’à de l’information mesurée. Trois semaines avant le vote populaire, ce bombardement confine à l’indécence.

En termes plus philosophiques, on peut aussi se demander dans quelle mesure le critère des emplois devrait, de manière systématique, comporter un caractère sacré. D’abord, il n’est pas interdit aux «visionnaires» régionaux de se montrer circonspects face à la déferlante de chantiers spéculatifs. S’ils avaient été moins gourmands, on n’en serait peut-être pas aujourd’hui à recenser 50% de lits froids dans certaines stations.

Ensuite, ce n’est pas parce qu’un employeur offre du travail qu’il mérite forcément qu’on lui déroule le tapis rouge. Sinon, pourquoi interdire le trafic de stupéfiants qui nourrit aussi son homme? Pourquoi ne pas autoriser à tout va la construction d’usines à gaz moutarde ou de combustible nucléaire?

Dans le cas des résidences secondaires, on peut relever enfin la contradiction existant entre la volonté de développer une zone à bâtir et la nécessité de maintenir des paysages à hauteur de la réputation de la Suisse. Au-dessus de Rougemont, la vallée des Fenils, l’une des plus belles de Suisse, est menacée par le projet de construction d’une route destinée à permettre le passage quotidien à une soixantaine de camions. En cause: une immense décharge qui devrait être creusée sur les hauteurs de Saanen en vue d’absorber les matériaux inertes résultant des constructions de chalets démesurés à la gloire de l’ego et du porte-feuille de quelques courants d’air domiciliés souvent à des milliers de kilomètres de là.

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Un commentaire à “Résidences secondaires, les emplois et le chantage”

  1. Arnaud Némoz 19 février 2012 at 16:23 #

    Je suis d’accord avec vous. En fait, je ne m’étais pas réellement posé la question des emplois perdus, mais vous apportez de bons éléments de réponse. J’ai voté pour l’initiative. Je pense qu’il faut préserver nos paysages de résidences secondaires trop nombreuse qui, comme vous le dites, appartiennent souvent à des gens habitants très loin d’ici et ne venant que rarement.
    Il y’a une solution très simple pour ceux qui désirent venir passer des vacances en suisse dans une résidence secondaire à savoir, le partage. Si quelqu’un ne vient pas une année il lui suffit de mettre son châlet à disposition des autres et ainsi, aucun vacancier n’est en manque, et il est inutile de construire à tout va.
    Malheureusement les hommes semblent encore trop égoïstes et / ou méfiant pour agir de la sorte.

    Cordialement.

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