Johnny, une incarnation de «memento mori»

Il y a quelques années déjà, Johnny avait annoncé sa dernière tournée.

PAR DAVID MARIN

Mais toute la musique qu’il aime l’a de nouveau appâté, le poussant vers le seul endroit où il vit: la scène. Que ce soit pour des titres sombres, ou alors des airs de blues, ou encore pour chanter le refrain que des centaines de milliers de fans connaissent par coeur. Un mystère diabolique, Johnny, pour toute personne qui n’a pas été immergée dans la francophonie pendant les dernières décennies. À chaque tournée, les séquences et les morceaux choisis par les médias s’accumulent dans la mémoire, et donnent l’impression au profane d’avoir assisté un jour à l’un de ses concert même s’il n’en est rien. Un corps à la fois torturé, tatoué, massacré et soigné. Des cheveux teints, la peau qui cède par endroits, trahissant l’impuissance à freiner les marques du temps. Johnny est une bête de scène qui rugit sur des instrumentations denses. Du cuir, du noir et des accessoires qu’il est l’un des rares à pouvoir porter sans paraître grotesque.

Puis il y a l’autre côté du miroir. Hors de la scène. La voix qui marmonne et le regard encadré par des yeux qui luttent entre la lourdeur du passé et le lifting qui force leur contour. Quand il sort de la scène pour s’offrir à la fusillade d’une caméra – lors d’un entretien filmé – le corps à la fois balafré et sculpté, Johnny incarne l’image de la variété mélangée au rock qui ne veut pas mourir bien que sa mort ait été plusieurs fois annoncée. Descendu de la scène, Johnny ressemble à un demi-zombie dont la puissance est bien plus crue que celle, factice, exhibée par les danseurs de «Thriller».

Freddy Mercury, Michael Jackson, Donna Summer, Robin Gibb. Tandis que les stars d’hier sont projetées sur les écrans – bien trop souvent lors d’un malheureux biopic – celles qui ont survécu et qui ont rythmé la jeunesse des baby-boomers s’éteignent. Leur mort induit des tempêtes de R.I.P. à travers internet, se pose en borne routière de l’histoire de la musique pop et met à dure épreuve la créativité lyrique des journalistes qui s’attellent à la confection des crocodiles, ces sujets médias qui rendent hommage à la star disparue.

Le vieillissement souvent masqué des post-soixante-huitards indique l’inexorabilité de la suite: la fin physique des idoles de jeunesse, les Paul McCartney, Jimy Page, Bob Dylan ou Mike Jagger. Comme s’il nous rappelait l’issue fatale évoquant aussi la faux, Johnny résiste stoïque, sur une lame entre la vie et la mort, tel un Elvis de l’Hexagone.

Celui qui n’a jamais compris l’univers de Johnny – mais qui espère un jour l’appréhender – devra attendre le rugissement ultime, les lumières qui s’éteignent; le dernier accord s’étouffer, l’aiguille caresser le sillon final. Il y aura un silence assourdissant. Puis ce sera l’apothéose.

Article paru dans “Un ristretto!

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Un commentaire à “Johnny, une incarnation de «memento mori»”

  1. Pierre Adler 2 juin 2012 at 22:46 #

    Ouais…

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