La république des rigolos


Des rigolos, j’vous dis.

PAR PIERRE NICOLAS

Quelle belle semaine, dans les travées qui comptent au Pays de Vaud! En deux temps. Mardi 5 juin 2012 d’abord au Grand Conseil, qui a approuvé massivement le crédit de reconstruction d’un palais du Parlement, juste réhabilitation des années après le funeste incendie, au sommet de la Cité à Lausanne, du célèbre bâtiment Perregaux. C’est un bon et intéressant projet. Qui se plaindrait de l’option en fin de compte prise par les députés? Il y a tout de même un hic, une croustillante polémique: on a fait croire jusqu’après le bouclage de la mise à l’enquête que le toit de l’édifice serait de couleur cuivrée, à l’instar des toits voisins, alors que dès la présentation du projet les exigences écolo-techniques imposaient un toit gris, dont l’aspect tranche et risque de mal passer dans l’opinion. La découverte tardive de la vérité a rendu furieux de nombreux députés, sans doute la majorité, et cela devait s’entendre il y a quinze jours lors d’un débat sur une interpellation. Mais voici que juste avant ce point de l’ordre du jour, une séance à huis-clos a été organisée, après quoi, plus de débat! Puis ce mardi 5 juin, un enregistrement sans gloire de la demande de crédit. Plus personne ou presque il est fâché.

Tout va pour le mieux dans la république des rigolos.

Le lendemain siégeait le Conseil communal de Lausanne, où la majorité a retourné sa veste en faveur du projet de métro M3 (Beaulieu-Blécherette), sur foi d’une étude… dont les élus ont seulement entendu parler! Cette majorité qui fut de longs mois fidèle à l’option tram, moins ruineuse que le métro et présentant l’avantage, aux yeux d’élus de gauche, d’un tracé à travers un quartier populaire.

Olivier Français, municipal des travaux et radical amateur de tunnels, et Daniel Brélaz, écolo-syndic en titre et notable naguère populaire, n’ont eu de cesse de défendre leur envie de métro alors qu’ils avaient été mandatés pour le contraire. Malgré un confortable suivisme médiatique, ce n’était pas très facile vu, en haut lieu, une hostilité audit métro: l’hostilité, bien argumentée, de François Marthaler, ministre cantonal des infrastructures. En outre l’incompatibilité politique Marthaler-Français, devenue une animosité légendaire, n’arrangeait pas les choses. Marthaler est certes un ministre partant, mais hélas pour eux encore en charge jusqu’au délai, fin juin, du dépôt du dossier à Berne. Bref une pétaudière.

Aussi nos deux compères du métro ont-il choisi de prendre le Conseil communal par surprise en faisant état d’une nouvelle étude favorable bien sûr au métro. Le contraire eût été étonnant, puisque l’étude allait sortir des chapeaux de Brélaz et Français. Une étude payée à des bureaux privés auxquels ces Messieurs n’allaient pas demander de prouver qu’ils avaient tort! Une étude diligentée par les TL, les Transports publics lausannois, qui se trouvent être les exploitants du M2, qui sont quasiment promis à être le maître d’oeuvre du chantier du M3, et d’en devenir l’exploitant… Au fait, s’agissant des choix stratégiques de Lausanne en matière de transports, qui se souvient que l’on ait eu une fois recours à une contre-expertise?

L’étude devrait être publiée incessament, mais ne pouvait juste pas l’être mercredi, dernier délai pour une prise de position du Conseil communal. On s’est donc fié à de simples évocations de Daniel Brélaz, pour virer de bord du tout au tout, sur une question engageant des centaines de millions.

Ca va de mieux en mieux dans la république des rigolos. Ce genre d’élus sont comme les crèpes qu’on vous sert dans les fêtes foraines, peu importe les ingrédients, tout est dans l’art de les retourner.

Article paru dans “Courant d’Idées

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